Maista: «On m’a dit que je n’ai pas le profil pour être au Parlement»
Vous ne lancerez pas d’album mais des singles l’un après l’autre. Expliquez-nous ce choix.
Si je sors 11 chansons d’un coup, une seule va passer sur les radios. Je préfère laisser le temps au public de comprendre les chansons une par une. L’album viendra l’année prochaine, comme un souvenir, une collection des chansons.
C’est pour sortir du système où les animateurs des radios choisissent ce qui marche ?
Je ne veux pas que d’autres choisissent à ma place. Mes chansons ne sont presque pas diffusées. S’il le faut, je ferais du porte à porte comme les candidats aux élections. Je ferais campagne.
À partir de quand ?
Mo pe fer mo politik artistik dan mo fason. Je ne veux pas être prisonnier d’un système. Je fais de la musique par amour, pas pour faire des tubes.
Pourquoi avoir attendu 13 ans pour revenir avec un album ?
Mo ti lamem. Entre-temps, j’ai créé ma compagnie dans l’événementiel, Rough Diamonds, depuis six ans. Je suis consultant pour LUX* Resorts. À travers ma société, je suis Entertainment manager à l’hôtel Belle Mare. Je suis un peu le visage de LUX*. Me bondie ki mo patron. J’ai construit un temple de l’unité devant chez moi. Tous les Mauriciens y viennent. Mo ramas tou vakabon. On fait de la méditation. Avek dialog nou tir zot dan lamerd. Bien sûr, il y a le risque d’avoir une mauvaise image. Bannla kapav kriye twa patron. Mon travail c’est de faire des spectacles de séga pour les riches, pour les pauvres, pour les rouges, les grenats, les fuchsias, pour les carapates, pour les puces. Ma politique à moi, c’est la politique de l’artiste. Me li kapav vinn enn vre politik osi.
La prochaine campagne électorale approche à grand pas. C’est ce que vous attendez ?
Kifer pa kapav ? Une fois on m’a dit que je n’ai pas le profil. Mais de quel profil aije besoin pour m’asseoir au Parlement ? (NdlR : Maista, de son vrai nom Jean-Christophe L’Omelette, habite Belle-Mare, dans la circonscription n°9 Flacq/ Bon-Accueil). Pa parski ounn donn Rs 5 million ounn aste enn ticket. Ounn aste enn plas dan bis, la ousi dernier plas ki reste. Nous avons un joli ministère. Ce serait bien qu’un jour, il soit représenté par quelqu’un qui comprenne le secteur des Arts et de la culture. On a besoin de quelqu’un qui réfléchit, qui a une vision, qui a de l’ambition, de la passion. Ki pann vinn rod bout. D’ailleurs, sur l’album, il y a une chanson qui s’appelle Pa le roder bout.
Mon objectif ce n’est pas de gagner un concours de disque de l’année sur une radio, pou mo gagn 25 fancy fair pou zwe dan enn an. En 2006, ma chanson Laiss mo viv a été à peine diffusée. Par contre, tout le monde court après To fam souper. Mo pena narien kont piti-la.
Vous revenez avec le single «Shanti», pour chanter la paix. Avec ce mantra, c’est toujours du séga que vous faites ?
Tout le monde veut que le séga perce en Europe ou en Amérique. Mais si les grands cuisiniers n’avaient pas ajouté un peu de fromage de cabri dans leur recette, où serait la cuisine nouvelle ? Pourquoi pas une rougaille de bred sonz, avec un peu de caviar. Fer bred sonz la gagn valer. Nous sommes égoïstes. Nou pe zwe sega zis pou nou. Si un groupe comme Cassiya avait fait un séga en français ou en anglais, mais en gardant son style, aujourd’hui, il aurait peut-être fait un tube mondial. En tant que ségatier, fode pa nou per sant an angle ou an franse. Je dis cela en me basant sur mon expérience dans les hôtels.
Combien d’années ?
Depuis l’âge de neuf ans. Aujourd’hui j’ai 38 ans. Si on fait un spectacle de ravannes de 50 minutes à l’hôtel, le touriste n’y comprend rien. Il te voit arriver (il imite le son de ravanne) ta koutou ta koutou, ta koutou tac tac, il fait des photos, une petite vidéo. Les danseuses arrivent. Wow. Il fait d’autres photos. Ler piti la sante (il caricature) «Ler mo leve mo al lapes, sorti la pes mo pran mo bisiklet, mo pran mo katora.» Et puis le touriste entend O ti le la la eh. Il n’y comprend rien. Au grand max, il mettra les photos sur sa page Facebook. Mais est-ce qu’il emportera le séga chez lui ?
L’image du tropical est en train de disparaître. On a importé des images indonésiennes, thaïlandaises, aux cheveux bien plaqués, avec la main sur le coeur. On perd notre authenticité. Si un touriste sort de l’hôtel, c’est pour aller voir des dauphins, enfin, s’il y en a toujours, ou acheter un slip à Rs 3 500. On ne l’emmène pas voir les artistes. Les étrangers qui écoutent du séga chez eux sont des gens qui ont vécu avec des Mauriciens, ils sont allés à des concerts par ci, par là. Justement en parlant de concert, savez-vous le malaise qu’il y a ?
Vous voulez dire le manque d’espace pour tenir des manifestations musicales ?
Pour organiser un concert, nous sommes comme des mendiants. Dir nou fran zot pa le nou travay. Le temps de parler de toutes ces choses viendra bientôt. Je fais un appel à tous les partis politiques pour qu’après les prochaines élections, peut-importe qui prend, non pas le pouvoir, mais la responsabilité du pays, ce seront peut-être les mêmes, ce n’est pas mon problème. Anou fer entertainment vinn enn lindistri.
Qu’est-ce qui manque ?
La première des choses, c’est de casser le ministère des Arts et de la culture. Avec d’un côté, le ministère d’Entertainment, Leisure and Arts. Après, on crée un ministère des Religious affairs. On peut le donner à Jocelyn Grégoire ou à n’importe quel autre homme religieux.
En parlant de ça, les paroisses qui appellent pour demander aux artistes de zwe kado. Voici ma réponse : le jour où l’Église catholique dira qu’elle va essayer de voir quoi faire pour les artistes en difficulté, la nou kapav kontign zafer la. Qu’à fait l’Église catholique pour conscientiser les gens, leur dire d’acheter des CD originaux ?
Je n’ai pas envie d’être un travailleur social dans l’entertainment. J’ai envie de professionnalisation. J’aimerais qu’il y ait un représentant de cette industrie au Parlement, pour la défendre. Qu’il y ait un vrai ministère qui représente tous les artistes, pas la Mauritius Society of Authors. Li, li vey mo drwa, li pa vey artis. Ce n’est pas de son ressort d’aller voir les hôtels pour leur demander si les artistes sont bien payés. C’est là que les ingénieurs de son, les musiciens, bann ki sarye bafoul, seront concernés par le ministère d’Entertainment, Leisure and Arts. Est-ce que ceux qui nous dirigent ont une notion du business ? Il nous faut du concret. Que celui qui se sent capable d’aider ce secteur, qu’il le fasse.
Cela pourrait être vous ?
Il faudrait que j’en ai l’occasion.
La prochaine va se présenter en 2019-2020…
Si mo gagn lokasion mo pou ale. C’est l’une de mes ambitions. Vous savez pourquoi ? Pour montrer à tous ceux qui sont comme moi ki zot kapav. Quand je dis ceux qui sont comme moi, mo pa pe dir kreol la. Je parle de tous ceux qui viennent de milieux défavorisés qui ont les capacités pour avancer.
De quel milieu venez-vous ?
Mon père était chauffeur de taxi, mo mama travay servant. Nou ti res lor crown land. Jusqu’à l’âge de 14 ans, je dormais dans la même chambre que mes trois soeurs. Al konpran ki mo pe dir.
C’est de là que vient la rage de réussir ?
Il y a surtout un ministère à défendre. Un ministère qui appartient aux artistes. Mem si dime mo pa reysi vinn enn minis, au moins j’aurais contribué à mettre quelqu’un de valable dans la place. Aujourd’hui, quand on veut transmettre des messages en chanson, cela passe inaperçu. Kifer ? Lamwatie boutey rom lor latab avek inpe gajak dilwil. Apre al tir gastrik dan lopital.
Je ne dis pas aux gens de ne pas danser. Mais apprenez à écouter la musique, au lieu de consommer des palabres. Prenez le temps d’admirer le travail de l’artiste. Eric Triton a un style. Alain Ramanisum a un style. Li bizin travay, li ena fam zanfan pou nouri. Quand il aura 60 ans, j’espère que des gens le reconnaîtront toujours. C’est pour cela que certains artistes créent le buzz, même si c’est un peu osé. Je ne vais pas citer de nom.
Vous pensez à vos vieux jours ?
Mo deza vie. Mo lekor zenn, mo lespri vie. Nous devons avoir du respect pour les ancêtres. Nou pe gagn zoure ar zot. Quand je dis qu’il faut avancer, ce n’est pas avancer dans la construction de bâtiments, mais avancer dan manyer. Nous sommes un peuple mal élevé qui veut se moderniser. S’élever, ce n’est pas qu’ «avoir un degré», pran tanperatir.