Les personnalités de l'année 2018 en Martinique
En général, le choix des personnalités de l'année est dicté par leur popularité auprès du grand public et non par la qualité des actions qu'elles et ils ont accomplies. Très souvent, en effet, ce n'est que fort longtemps après que l'on s'aperçoit de l'effet et de l'importance desdites actions c'est-à-dire quand il est trop tard ("Quand ce n'est plus d'actualité" comme disent nos chers médias) pour mettre à l'honneur ces personnes.
Notre choix, lui, a été établi non pas sur la popularité, le côté glamour ou sympathique de tel ou tel actrice ou acteur de la vie sociale martiniquaise, mais sur une évaluation des choses qu'elles et ils ont fait ou bien commencé à faire et dont nous nous estimons qu'elles auront un impact bénéfique sur la Martinique toute entière.
Nous nous refusons donc à tout classement et l'ordre d'apparition de ces personnalités dans la liste qui suit est parfaitement aléatoire. Il ne s'agit, en effet pas, d'attribuer des bons points ni de glorifier tel ou telle pour la/le transformer en vedette ou en '"people". La Martinique est dans une situation suffisamment grave, voire critique, pour s'amuser à monter en épingle des gens qui ont fait un coup d'éclat à tel ou tel moment, mais dont ledit coup d'éclat n'aura pas, sur le long terme, l'importance que les amateurs de paillettes lui auront attribué. Toutefois, à côté du nom de chacune de ces personnalités, MONTRAY KREYOL s'autorisera une remarque tantôt dubitative tantôt laudative.
Voici donc notre choix (dans le désordre, répétons-le !) :
__Louis BOUTRIN : conseiller exécutif à la CTM (Collectivité Territoriale de la Martinique), il subit un véritable bashing ("dénigrement" en français) de la part de bon nombre de nos médias et de ses adversaires politiques qui n'ont pas hésité à en faire le "bwabwa" de carnaval de cette année. Celles et ceux qui suivent de près l'action de cet écologiste de toujours (avocat de profession) n'ont cependant pas manqué de remarquer sa formidable implication dans les domaines suivants : navette maritime Fort-de-France/Case-Pilote qui est un succès ; opération "Café Excellence Martinique" avec des entrepreneurs japonais qui présenteront celui-ci à l'ouverture des Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo ; Label "Zéro Chlordécone" pour permettre aux agriculteurs travaillant des terres non-contaminées d'écouler leur production à un moment où, justement effrayé par les ravages de ce pesticide, le consommateur a tendance à se rabattre sur les rayons "Fruits et légumes" des supermarchés békés ; lancement réussi du TCSP dont tout le monde, y compris les plus farouches adversaires de la majorité en place à la CTM, n'ont eu qu'à se louer ; projet de classement de la Montagne Pelée et des Pitons du Carbet au Patrimoine Mondial de l'Unesco, ce qui aura le double effet de les protéger et de les valoriser au plan touristique etc...etc... Evidemment, Louis BOUTRIN n'agit pas tout seul et il a l'appui de ses partenaires politiques à commencer par le premier d'entre eux, Alfred MARIE-JEANNE, président de la Collectivité, mais aussi celui du personnel administratif de la CTM et du Parc Naturel de la Martinique dont il est le président. Remarque de Montray Kréyol : à quoi bon s'échiner de la sorte pour 2.200 euros TTC par mois (le montant des indemnités d'un conseiller exécutif) et pour une population qui accepte sans broncher que l'on voue insulte ou vous cloue au pilori à longueur de journée ?
__Odile FRANCOIS-HAUGRIN : élue il y aura bientôt 3 ans vice-présidente du Pôle Martinique de l'Université des Antilles, cette scientifique se bat avec une constance remarquable pour amener la gouvernance de l'établissement à respecter l'autonomie des deux pôles qui le composent (Guadeloupe et Martinique) telle qu'elle est prévue dans la loi de 2015 qui a transformé l'UAG (Université des Antilles et de la Guyane) en UA (Université des Antilles). Il s'agit d'un combat difficile parce que ne bénéficiant qu'assez peu du soutien des politiques. En effet, contrairement à leurs alter ego guadeloupéens et guyanais, les élus politiques martiniquais se sont relativement peu intéressés à notre université au cours de ses trente et quelques années d'existence. Il n'en ont jamais fait un enjeu de prestige ou de pouvoir, respectant, soit dit en passant, l'autonomie des universités elle aussi inscrite depuis des lustres dans le marbre de la loi. C'est dire qu'Odile FRANCOIS-HAUGRIN ne peut guère compter que sur ceux qui l'ont élue (sur le campus de Schoelcher) dans son combat pour préserver les moyens et les postes du Pôle Martinique et donc l'avenir des quelques 5.000 étudiants qui y sont inscrits. La gouvernance de l'UA a ainsi prévu de transférer au cours des prochaines années pas moins de 7 millions d'euros (en postes d'enseignants et d'administratifs) du Pôle Martinique vers le Pôle Guadeloupe tout en modifiant en faveur de ce dernier la pourtant sacro-sainte répartition budgétaire entre les deux pôles (à savoir 60% pour la Guadeloupe et 40% pour la Martinique). Quelle que soit l'issue de son combat, qui est aussi celui de celles et ceux, nombreux sur le Pôle Martinique, qui la soutiennent, on mesurera à l'avenir l'importance de celui-ci pour notre jeunesse martiniquaise. Remarque de Montray Kréyol : à quoi bon se battre pour le Pôle Martinique quand il y a des Judas sur ledit pôle qui passent leur temps à lui mettre des bâtons dans les roues quand ils ne l'insultent pas en pleine réunion ?
__Bernard HAYOT : avec sa discrétion habituelle, l'homme réputé être le plus riche de la Martinique et 167è fortune française, rachète supermarché après supermarché tout en se développant plus que jamais à l'international (Maroc, île Maurice, Côte d'Ivoire, Nouvelle-Calédonie etc.), transformant ainsi son groupe, GBH, en un acteur économique disposant d'une force de frappe que personne n'a jamais eu avant lui dans l'histoire de la Martinique. Dans le même temps, avec une habileté consommée, il s'est fait mécène depuis de nombreuses années et a transformé de l'Habitation Clément en lieu d'exposition d'œuvres picturales de niveau international au point que très rares sont les artistes martiniquaise qui refusent d'y montrer leurs œuvres. Son mécénat (en partie défiscalisé évidemment) s'étend à d'autres secteurs tels que l'Université des Antilles ou, dernièrement, le Musée Vulcanologique de Saint-Pierre. Mais son coup de maître fut, il y a une quinzaine d'années, d'avoir convaincu Aimé CESAIRE de venir planter le "courbaril de la réconciliation" sur l'Habitation Clément, arbre pour lequel il a organisé il y a quelques semaines une nouvelle cérémonie en présence de hiérarques du PPM. Il y a visiblement là un désir d'apaiser les tensions séculaires entre "Békés" et "Gens de couleur". Remarque de Montray Kréyol : si la volonté de réconciliation du Béké HAYOT est sincère pourquoi ne fait-il pas reconstruire une "Rue Cases-Nègres"à l'Habitation Clément ? Comme cela, visiteurs locaux et touristes auraient une image plus exacte, plus vraie, de ce qu'était "l'Habitation" coloniale à l'époque de l'esclavage au lieu de n'avoir à visiter que la seule maison du Maître, certes fort belle. On pourrait aussi ajouter : pourquoi ne pas investir dans les secteurs productifs de notre économie au lieu de se complaire dans l'économie de comptoir ?
. Mario CANONGE : discret lui aussi, ce pianiste talentueux a réussi l'exploit de marier notre musique martiniquaise au jazz, chose qui a donné à celle-ci une notoriété internationale quasiment égale à celle du groupe KASSAV. C'est ainsi qu'en 2011, son album intitulé "MITAN" fut un événement tant chez nous qu'à l'étranger, plaçant définitivement Mario CANONGE dans la prestigieuse lignée des grands jazzmen. Ensuite, en 2018, il a confirmé (si besoin en était) sa formidable capacité d'innovation avec deux albums de haute facture : "QUINT'UP" et "ZOUK OUT". Certes, ce qu'on peut appeler "le jazz créole" (en fait, un pléonasme puisque ce genre musical est né à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane) est beaucoup moins populaire auprès de nos jeunes que le rap, le dance-hall, le RNB ou la soca et auprès de nos moins jeunes que le compas, la musique latine ou le zouk, mais il permet petit à petit à la Martinique de se constituer une manière de "musique classique" dont les premiers pas ont été faits dans le Saint-Pierre d'avant l'éruption de la montagne Pelée en 1902 et qui s'est continuée, entre autres, avec les musiciens du fameux bal de la Rue Blomet, à Paris, dans l'entre-deux-guerres. Remarque de Montray Kréyol : que Mario CANONGE persévère dans la voie qu'il s'est tracée et qui fait honneur à notre Martinique !
. Raphaël CONSTANT : avocat et ancien bâtonnier, militant politique (PKLS), il est depuis plusieurs décennies l'un des avocats du barreau de Fort-de-France qui se porte le plus volontiers au secours des travailleurs, mais pas seulement. Rigoureux, éloquent, il sait se faire entendre dans les causes les plus difficiles à défendre, cela sans pour autant se livrer à des effets de manche et se transformer en vedette médiatique, péché mignon de certains d'entre ses collègues. Sa victoire la plus récente (presque passée sous silence par nos chers médias) est celle des occupants de l'Allée Pécoul à Saint-Pierre. Il s'est agi d'un combat de 12 longues années qui a commencé donc en 2011 lorsque six familles habitant à l'Habitation Depaz reçurent de la Société Agricole de la Montagne Pelée, devenue propriétaire des lieux, un courrier comminatoire leur signifiant de quitter leurs maisons avant la fin du mois de décembre de cette même année. Or, ces personnes résidaient là depuis des lustres, certaines mêmes y étant nées puisque leurs parents étaient ouvriers agricoles sur cette Habitation. On les appelait à l'époque "les travailleurs casés". Face à pareil mépris ces derniers se sont organisés en comité avec le mot d'ordre suivant : "Sé la nou né, sé la nou ké mò" (C'est ici que nous sommes nés, c'est ici que nous mourrons). Grâce a leur lutte, douze années durant, et à l'appui de militants politiques (surtout du PKLS) ainsi que de leur avocat, Raphaël CONSTANT, ils ont fini par obtenir gain de cause : le 26 novembre 2018, ils recevaient en grandes pompes, enfin !, leur titre de propriété. Remarque de Montray Kréyol : la Martinique aura toujours besoin d'avocats tels que Me Georges GRATIANT, Me Marcel MANVILLE ou encore Me Raphaël CONSTANT.
. Félix MERINE : patron de la yole du Robert UFR/CHANFLOR, il a remporté cette année son 10è tour de la Martinique des yoles rondes, faisant de lui le champion incontesté de cette discipline sportive qui, tout au long de l'année, attire les foule et déchaîne les passions, tout en étant un élément fort de notre attractivité touristique. Félix MERINE a, en effet, remporté le tour en 1990 pour la première fois avant d'enchaîner une série impressionnante de victoires : 2001, 2002, 2003, 2006, 2007 etc...jusqu'à celle de 2018. Certes, un patron de yoles n'est rien sans son équipage et ceux qu'il a eu avec lui tout au long des années passées ont été remarquables, mais les décisions importantes lui reviennent durant la course et il est un peu normal que la lumière l'éclaire davantage que ses coéquipiers. MERINE n'est pas non plus l'unique grand patron de yoles et les Georges-Henri LAGIER, Aton MAS ou encore Charles EXILIE sont ou ont été de brillants "yoleurs" eux aussi, mais il demeure un exceptionnel meneur d'hommes. Remarque de Montray Kréyol : La Martinique ne saurait que le remercier d'avoir contribué à faire de cette discipline sportive somme toute récente (le premier Tour des yoles ne s'est déroulé qu'en 1985) l'un des rares lieux où les Martiniquais de toutes conditions se rassemblent et font donc peuple...
. Florent CHARBONNIER : ce franco-québécois fête lui aussi 10 années de travail acharné à la tête de la maison d'édition qu'il a créée, CARAIBEDITIONS, avec ses propres fonds et qui, contre vents et marées, se bat pour publier nos auteurs martiniquais, guadeloupéens et même d'ailleurs. Passer de la direction d'une importante concession automobile en Martinique à celle d'une entreprise aussi peu rentable que celle du livre était un véritable pari, une gageure même, mais Florent CHARBONNIER a su vaillamment y faire face. Passionné par le livre sous toutes ses formes (BD, polar, livres pour la jeunesse, roman etc.), il fait preuve d'une rigueur et d'un professionnalisme qui lui ont permis, chose rare pour un éditeur régional, d'investir le marché hexagonal. Cela explique que progressivement il ait pu attirer et inscrire à son catalogue des auteurs publiés par de grandes maisons d'édition parisienne : le Guadeloupéen Ernest PEPIN, les Martiniquais Roland BRIVAL et Raphaël CONFIANT ou encore l'Haïtien Lyonel TROUILLOT. L'un des aspects les plus remarquables de ce travail éditorial consiste en la valorisation de la langue créole à travers la traduction de BD comme Astérix ou Tintin, mais aussi de romans dans cette langue. Florent CHARBONNIER est un vrai éditeur, qui verse des droits d'auteur à ceux qu'il publie et qui se démène comme un beau diable pour en faire connaître les ouvrages alors même que le marché du livre antillais est plus que restreint et que les aides à l'industrie du livre sont rares. Remarque de Montray Kréyol : espérons que nos décideurs politiques de Martinique et Guadeloupe finiront par comprendre qu'il est à la fois important et urgent de soutenir non seulement Caraibéditions, mais également toutes nos maisons d'édition !...
. Le/La MARTINIQUAIS (e) Moyen (-ne) : généralement tournés en dérision sous le sobriquet de "TI SONSON", La Martiniquaise moyenne et le Martiniquais moyen, qui survivent avec environ 600 euros par mois, ne sont que très rarement mis à l'honneur. Pourtant, ils sont les premiers à subir les effets nocifs du chlordécone (les quelques 7.000 ouvriers des bananeraies notamment) et des algues sargasses, les grèves à répétition des transports publics, le chômage et les licenciements abusifs, les condamnations en justice expéditives (alors que les voyous en col blanc comme ceux du CREDIT MARTINIQUAIS ou du CEREGMIA sont épargnés), les effets collatéraux du trafic de drogue, l'abandon scolaire (de leurs rejetons), l'obligation d'émigrer en France pour pouvoir se forger un avenir professionnel etc...etc...La liste serait longue des avanies quotidiennes que subit TI SONSON d'où l'on comprend pourquoi il déserte de plus en plus les urnes (aux dernières élections législatives, par exemple, nos députés n'ont été élus que par...25% du corps électoral !). Pourtant, il résiste, il se bat, il n'a pas la tentation de tout casser (la Martinique a ainsi le plus faible taux d'homicides de la Caraïbe même si nos médias montent en épingle ceux qui, inévitablement, se produisent de temps à autre) et il continue à croire en son pays. Remarque de Montray Kréyol : jusqu'à quand durera la relative mansuétude de TI SONSON à l'égard de ceux qui, petits-bourgeois de couleur, arrivent à s'en sortir ou qui carrément s'enrichissent chaque jour davantage comme les Békés ?...