Le Rouge-Vert-Noir, drapeau "national" ou drapeau "nationaliste" ?

   Or, ce drapeau est en fait un drapeau national. Tout simplement.

   Quelle est la différence ? Prenons l'exemple que nous connaissons le mieux : celui de la France. Est-ce que les communistes français sont des nationalistes ? Est-ce que les trotskystes français ou les maoïstes (s'il en reste) sont des nationalistes ? Est-ce que les européistes français (partisans d'une Europe fédérale) sont des nationalistes ? EVIDEMMENT NON ! Pourtant aucun d'eux ne rejette le drapeau bleu-blanc-rouge. Prenons un autre exemple que nous connaissons mois bien : celui de l'Algérie actuellement secouée par un vent de révolte. Aucun Algérien ne rejette le drapeau vert et blanc frappée d'un croissant et d'une étoile rouges. Tant les pro-BOUTEFLIKA (l'actuel président) que les anti-BOUTEFLIKA s'en réclament et l'arborent.

   On pourrait multiplier les exemples en prenant le cas de n'importe quel pays à travers le monde.

   D'aucuns objecteront que c'est parce que la France et l'Algérie sont des pays indépendants et que dans les pays encore colonisés ou s'estimant tels, le drapeau est forcément nationaliste. Et donc indépendantiste. FAUX ! Beaucoup de Corses brandissent le drapeau à tête de Maure sans vouloir une rupture avec la France de même que beaucoup d'Algériens brandissent le drapeau kabyle (ou berbère) sans pour autant souhaiter une partition de leur pays. Et c'est le cas un peu partout : au Pays de Galles, en Ecosse, en Sicile, à Hawaï, à Puerto-Rico etc...

   Un drapeau national n'est donc pas forcément un drapeau nationaliste même s'il peut l'être dans des conditions historiques précises.

   Pourquoi donc cette confusion dans les médias et chez la plupart des Martiniquais ? Pour une raison toute simple : nous confondons "NATION" et "ETAT". Et surtout très peu de gens savent que la grande majorité des nations du monde ne possèdent pas d'état. L'ONU compte 197 états à ce jour. Si toutes les nations devaient se transformer en état, elle compterait au bas mot...400

membres. En effet, il n'existe guère de pays où il n'y a pas de minorités nationales. Chaque pays membre de l'ONU en compte au moins une, parfois deux, voire trois. Rien que la seule Russie en compte...21 :

   . France : Corse, Bretagne, Alsace, Pays basque etc...

   . Chine : Tibet, Manchourie, Turkestan oriental (Xin-Kiang).

   . Espagne : Catalogne, Pays Basque, Galice, Canaries.

    . Etats-Unis : Hawaï, Puerto-Rico.

   . Russie : Tatarstan, Daghestan, Kabardino-Balkarie, Carélie, Altaï, Bouriatie, Ossétie du Nord, Tchouvachie, Oudmourtie etc...

    Etc...etc...

    Et toutes ces nations sans état disposent d'un drapeau national qui peut, parfois mais pas toujours, prendre une coloration nationaliste. En Catalogne sous domination espagnole, il y a beaucoup de Catalans attachés au drapeau catalan (et à la langue) sans pour autant être indépendantistes. Au Québec ou à Puerto-Rico aussi où de multiples référendums ont été organisés pour savoir si le premier se détachait du Canada et le second des USA, référendums que les indépendantistes n'ont jamais gagné. Cela signifie très clairement qu'une nation n'est pas obligée de se transformer en état. Autrement dit, un Martiniquais peut fort bien arborer le rouge-vert-noir sans pour autant souhaiter une rupture avec la France. Au frontons de nos mairies, on peut parfaitement avoir côte à côte, le drapeau rouge-vert-noir, le drapeau bleu-blanc-rouge et le drapeau européen. D'ailleurs, dans les années 70-80, le PPM (Parti Progressiste Martiniquais) avait adopté le drapeau rouge-vert-noir alors qu'il n'est pas et n'a jamais été indépendantiste.

   Au lieu donc de pourfendre sottement le rouge-vert-noir, une certaine gauche pro-française et une certaine droite archaïque devraient tout au contraire reconnaître cet emblème de l'identité du peuple martiniquais, de la nation martiniquaise. En effet, nous existons bel et bien comme nation, mais cette nation n'a pas forcément vocation à se doter d'une structure étatique. Ce confusionnisme, entretenu par les médias et les tendances politiques que nous venons d'évoquer, nous plongent dans des débats stériles et dans des postures dignes d'Artaban qui amusent la galerie (et le pouvoir français) du genre "Regardez l'énorme drapeau rouge-vert-noir que j'ai fait dresser au fronton de ma mairie. Il est trois fois plus gros que es drapeaux français et européens". Ces bouffonneries ne nous font pas avancer d'un iota vers la pleine acceptation de nous-mêmes.

   Car le vrai problème est là : s'accepter soi-même. Nous accepter tels que nous sommes...