Quand Césaire félicite Alain
Adams Kwateh
En juin 1993, je suis, avec Alain Anselin , face à Aimé Césaire. Je ne me souviens plus de qui venait l’initiative du rendez-vous, mais il se situait dans la longue vague sans interruption d’audiences que Césaire accordait pour la célébration de ses 80 ans.
« Sur quel sujet écrivez-vous » ? Alain lui tend un numéro de la revue Tyanaba d’anthropologie africaniste qu’il venait de fonder avec notre ami frère William Rolle.
Césaire s’en saisit brusquement. D’un geste tendre, il parcourt les premières pages. Césaire félicite Alain pour ses écrits sur la réalité antillaise en relation avec l’Afrique. Il y voyait le signe de la restauration de l’homme africain déporté dans les Amériques. « C’est le travail de Cheick Anta Diop, merci d’y contribuer » dit-il à Alain. Ce dernier bouge sur sa chaise, devient presque glacial. Alain n’était pas de ceux qui cherchaient la gloire, ni le Nom. Alors quand Césaire cite ses mérites, il ne pouvait qu’en être gêné. Il se se crispe un peu.
Césaire voyait en lui, le continuateur de l’engagement intellectuel et moral de Cheick Anta Diop : le combat pour les langues, la quête de la connaissance, la renaissance africaine. Il n’ignorait pas non plus l’engagement social d’Alain dans la cité de Dillon à Fort-de-France. Durant des années, il fait le soutien scolaire, crée des compétitions de football, il a suscité des vocations dans le ballon rond. Dans ce quartier, le plus populeux de Fort-de-France, Alain formait un tandem avec le musicien Poglo pour pallier la descente aux enfers de nos jeunes. Césaire le savait pour l’avoir croisé de multiples fois à Dillon.
Le rendez-vous avec Aimé Césaire m’avait convaincu à l’époque de la place d’Alain comme un travailleur de l’ombre et tout aussi efficace dans ses résultats.
Je n’ai pas d’autres mots que ces quelques vers qui m’ont été inspirés en apprenant le voyage d’Alain vers d’autres horizons.
A mon frère Alain,
L’ouvrant joyeux des Lumières
Kamalen pourfendant les Ténébres
Cerno traçant noirceur de planches
Sëriñ agenouillé guerrit-tout
Taalibè de Ba oiseau invisible*
Nuitamment volant en quête du sens
Le Soleil venu, amant des Sages
« Avance grâce à tes amulettes » : laa, jah, ka*
« Tu navigueras en aval vers Busiris »*
« Tu navigueras en amont vers Abydos)*
*Tirés du Livre des Morts