LES AUTEURS DE CARAIBEDITIONS : UN SAMEDI-LIVRE A MARIE-GALANTE
Un adage assure que pour devenir millionnaire un éditeur doit d'abord avoir été milliardaire.
Il ne s'agit aucunement d'un jeu de mots ou d'une boutade : éditeur est l'un des métiers les plus difficiles au monde, le moins rentable (sauf pour les très grosses maisons) et le plus risqué financièrement Le livre est, en effet, une marchandise à circulation lente mais, seul avantage, il n'a pas de date de péremption comme les conserves ou les yaourts.
La situation a empiré avec le développement, à la fin du siècle dernier, de l'Internet et des nouveaux moyens de communication et on a cru un temps que le livre électronique ou e-book replacerait le livre papier. Quoiqu'il en soit, happé par toutes sortes de sollicitations, émanant notamment des réseaux sociaux, nous lisons moins aujourd'hui. Beaucoup moins.
Aux Antilles et en Guyane, la situation des éditeurs a toujours été plus difficile que dans les grands pays dits développés à cause de la diglossie créole/français, du caractère massivement oral de la culture créole et de l'étroitesse du marché. Trois facteurs auxquels il faut ajouter le désintérêt des politiques, hormis une poignée, et les aides qui soit tardent à venir même quand elles sont votées soit varient au gré des changements de majorité politique.
Pourtant, il s'est toujours trouvé des femmes et des hommes courageux pour se lancer dans cette périlleuse aventure : des natifs comme DESORMEAUX (Martinique), MMG (de Tony DELSHAM, Martinique), Nestor (Guadeloupe), Lafontaine (Martinique), Jasor (Guadeloupe), K-EDITIONS (dirigé par Jean-Marc ROSIER), IDEM (Martinique) comme des non-antillais Ibis Rouge (Guyane et Jean-Louis MALHERBE, français) et Caraibéditions (Antilles, Guyane, France et son directeur Florent CHARBONNIER, franco-québécois).
Beaucoup se sont cassés la figure en chemin.
D'autres résistent contre vents et marées et s'acharnent à développer leur entreprise comme F. CHARBONNIER qui publie des BD (souvent en créole), des romans classiques dans une très belle collection-poche, des romans policiers, des romans érotiques, des ouvrages pour enfants et pour la jeunesse et même des ouvrages universitaires (Collection U). Production impressionnante tenue à bout de bras par un seul homme animé d'une passion : développer le livre antillais et guyanais.
Ce samedi 09 novembre, il a réuni à Grand-Bourg de Marie-Galante bon nombre d'entre ses auteurs sur la place du marché, à côté de l'église, auteurs qui pendant toute la journée ont pu discuter avec leurs lecteurs et dédicacer leurs ouvrages. Il est à noter que Caraibéditions réussit l'exploit assez rare sous nos cieux d'éditer des auteurs connus dans l'Hexagone, voire dans le monde, comme Raphaël CONFIANT, Ernest PEPIN ou Roland BRIVAL, des auteurs connus localement (Errol NUISSIER, Laura MANNE ou Doris DUMABIN) et de nouveaux auteurs forcément encore inconnus. Au coude à coude, sans distinction de notoriété, sans comptabilisation mesquine de prix littéraires, ces trois catégories d'auteurs sont intervenus, pour certains au lycée de Marie-Galante, pour d'autres à la bibliothèque municipale et pour tous, sur la place du marché.
Cette fraternité entre écrivains de renommée très différente est rare non seulement chez nous, mais aussi de part le monde. Elle est, en grande partie due, à l'entregent et à la force de conviction de leur éditeur, F CHARBONNIER. Deux des auteurs présents en ont profité pour annoncer leurs prochaines publications : un roman sur la rencontre entre André et Simone SCWARTZ-BART qu'écrit Ernest PEPIN, un autre sur les Antillais dans la guerre d'Algérie par Raphaël CONFIANT.
Ce samedi-livre à Marie-Galante a scellé un moment de grâce entre lecteurs (très nombreux sur les stands) et auteurs (un peu surpris du succès de la manifestation). Reste à espérer que nos responsables politiques de toutes tendances, prennent conscience que l'économie du livre a besoin d'être soutenue autrement que par des encouragements verbaux ou des promesses d'aides rarement concrétisées...