Saisir ce moment pour construire demain…
Stee Gadet (alias Fola)
Quand ça se passe en Afrique du Sud, vous comprenez, vous applaudissez. Quand ça se passe aux Etats-Unis, vous comprenez, vous applaudissez, vous écrivez. Quand ça se passe chez nous, ça vous semble vide de sens, vous récriminez. L'indignation de ces jeunes activistes doit être entendue. Pour ma part, je préfère dix jeunes debout derrière leurs idées que 100 fatalistes, conformistes et individualistes. Ils ne sont pas les premiers à faire ça et ils ne seront pas les derniers si nous ne saisissons pas ce moment pour avoir une conversation autour de notre mémoire, de notre histoire. Ces jeunes ne sont pas bêtes et sans raisonnement intellectuel. Ils ne sont pas non plus les marionnettes d’une groupe politique. Arrêtons de les insulter et de les ridiculiser à partir du confort de nos petites vies. Vous avez eu leur âge ? Vous savez que ce sont des années où on veut changer le monde et nous avons besoin de cette énergie. Nous sommes le fruit de gens qui avait cette énergie à un moment donné. Les jeunes d’aujourd’hui ne vont pas militer comme ceux qui avaient 20 ans durant les années 60 ou dans les années 80 ou comme moi au début des années 2000.
Ils vous montrent les étoiles et vous regardez leur doigt. Ils vous montrent les architectes de leur histoire, vous regardez les statues qui tombent. Ils/elles disent clairement ce qu’elles veulent sans se cacher. Gilbert Pago l’a clairement expliqué avec la bienveillance et l’intelligence qui le caractérisent. On ne peut pas exclure Shoelcher des luttes anti-esclavagistes mais nous ne pouvons pas non plus le déifier et en faire le seul héros comme ces statues semblent le laisser comprendre. Nos ancêtres réduit.e.s en esclavage ont eux-mêmes beaucoup cogné ce système pour le faire tomber.
Aucun communiqué ronflant, aucun article tapé dans le calme de nos maisons ne va soigner notre démocratie et l'âme du pays. Il nous faut privilégier le contact humain, le respect et le dialogue. A la place des maires des communes concernées, j'aurais reçu ces jeunes en mairie officiellement pour échanger avec eux, pour prendre en compte sérieusement leurs revendications. Je rappelle qu'ils n'ont tué PERSONNE !!! Ils n'ont pas détourné de l'argent public !!!! Leur colère est dirigée vers des cibles matérielles. N'attendons pas que cette colère se transforme en autre chose. Etablissons les contacts. Ce qui se passe c'est une lutte d’idées, de pouvoir et dans toutes luttes, à un moment, il faut établir un dialogue édifiant sinon on perd des forces et on perd de la lucidité des deux côtés. Le grand écrivain noir-américain James Baldwin disait : " Tout ce à quoi nous faisons face ne peut pas être changé mais rien ne peut changer tant que nous n'y faisons pas face. L'histoire n'est pas le passé. Elle est présente. On la porte avec nous." Je plaide pour la politique du dialogue et des échanges humains. A l’air des réseaux sociaux, elle peut sembler intitule mais ce n’est pas vrai. Parler avec ceux qui n’ont pas les mêmes idées que nous ne pas ne veut pas dire se renier ou mettre de l’eau dans son rhum. Comme Olivier Jean-Marie, je suis optimiste. Je refuse le fatalisme et le pessimisme à tous les niveaux.
Ceci dit, un pays construit sur l'injustice et la voracité d'une minorité ne pourra jamais connaitre la paix avec des postures mais avec des gestes et des décisions.
Dans tous les pays du monde, les activistes et les militant.e.s sont là pour pousser la société à sortir du statuquo sur certaines questions. Si le pays est un repas à cuire, ils sont le feu sous le canari. Leurs coups d’éclat énervent, touchent, suscitent l’admiration ou le rejet mais ils ne laissent pas indifférents et c’est leur rôle ! Suite à ces actions, beaucoup de familles antillaises, beaucoup de groupes WhatsApp discutent de cette question aujourd’hui. La diaspora en parle aussi. Transformons cette énergie en actes. Nous devons saisir ce moment pour parler avec nos enfants et apprendre certaines choses nous-mêmes, des choses que nous ne savions pas, partager notre savoir sans être pédant, saisir ce moment pour entendre, pour dialoguer et prendre des décisions.
Après avoir dit tout cela, je dois reconnaitre que nous n'avons pas une bonne culture du débat au pays. Nous pouvons faire des progrès. Dès que vous nuancez vos propos, on vous pousse à être pour ou contre alors que NON ! Le débat ce n'est pas ça. Ce n’est pas tout gris ou tout vert. L’arc-en-ciel a des couleurs mais les points de passage ont des nuances. Le monde a besoin des mathématicien.ne.s mais il a aussi besoin des poètes et des poétesses. Lorsque nous débattons, ce n'est pas non plus une histoire de personne. On peut ne pas être d’accord sans avoir à s’insulter. Ce combat est plus grand que nos personnes. Il s'agit de construire le pays, d’avoir une mémoire apaisée et partagée. Eugène l’a dit. “Pasé nou ka pasé”. Les hommes et les femmes passent mais le pays reste…