La vie sexuelle secrète des prêtres catholiques haïtiens
Emmanuel Moïse Yves
Si les scandales sexuels et les abus d’enfants secouent si souvent l’Église catholique, c’est parce que les prêtres, comme tout le monde, demeurent des êtres sexuels, souvent actifs. Haïti n’en fait pas exception
Lors d’un synode organisé en octobre dernier au Vatican, une assemblée d’évêques catholiques a transmis au Pape François ses propositions, parmi lesquelles figure l’intégration des hommes mariés dans le sacerdoce.
Cette proposition concerne la région Amazonienne où il existe un manque inquiétant de prêtres catholiques pour desservir les fidèles. L’assemblée a donc sollicité l’intégration des diacres mariés au sein de cette communauté ; l’objectif serait notamment de célébrer les messes avec de nouveaux rites intégrant l’aspect traditionnel des peuples amazoniens.
Certains évêques souhaitent que cette idée soit appliquée dans d’autres endroits où il y a peu ou pas de prêtres. Selon les faits, ces propositions, si elles sont tenues, « ouvriront une brèche dans la tradition millénaire du célibat des prêtres, généralisé dans l’Église latine après la réforme grégorienne du XIe siècle. »
Toutefois, l’image de l’Église a souvent été ternie par des scandales sexuels. Si les prêtres choisissent « officiellement » le célibat, cela ne veut pas pour autant dire qu’ils sont dénués de désirs amoureux ou d’attirances sexuelles.
Une vie sexuelle dans les coulisses
Luvenie a 28 ans. Sa maman est une ménagère qui prête ses services au sein d’un presbytère, maison de la paroisse où réside le curé. Durant un certain temps, les deux femmes ont habité au presbytère. Elle raconte avoir eu une courte relation avec le curé de la paroisse.
« Le curé avait promis de tout me donner en échange d’un lien amoureux avec lui », dit la jeune fille qui a fini par céder. Peu de temps après, la jeune fille dit avoir supplié sa maman de l’aider à louer une maison afin d’échapper à l’emprise du prêtre qui la voulait souvent dans sa chambre.
Quant à Antoinise, elle raconte avoir eu une amie qui fréquente un prêtre. « Ces genres de relations s’effectuent dans la clandestinité absolue », dit-elle. Son amie est tombée enceinte du prêtre. Elle prétend que le bébé n’a pas survécu lors de l’accouchement. Pourtant, dit-elle, l’enfant est en vie. Le curé a préféré le confier à ses proches afin d’éviter toute suspicion.
Sexualité des prêtres
« Chaque personne gère sa sexualité, mais en tant qu’un humain le prêtre est appelé à gérer ses pulsions », dit le révérend Père Louis Gabriel Blot. « Effectivement, poursuit-il, ce n’est pas parce que je suis prêtre que je ne serai jamais attiré par une femme. Comme tout le monde, j’ai un corps, une sensibilité. »
Après de longues années sans pratiques sexuelles, les attirances peuvent être atténuées et peuvent même être bloquées. C’est ce que le sexologue John Kersnid Justafort révèle lors d’une interview accordée à AyiboPost : « En pratiquant l’abstinence sexuelle pendant un certain temps, cela peut provoquer le blocage du désir. »
« Tout le monde n’a pas la même constitution physique, tout homme à sa façon de réagir », renchérit le révérend père Blot. Il pense que les actes sexuels commis par certains prêtres continueront de se perpétrer au sein de l’église. « Cela ne va pas changer, ce n’est pas parce qu’une personne est prêtre qu’il ne pourrait pas commettre certains actes. Le prêtre est avant tout un humain », argumente-t-il.
Plus loin, père Blot admet que ce problème réside dans la discipline personnelle du prêtre et sa discipline envers Dieu et l’assemblée qu’il dirige. Le révérend Père croit que tous les prêtres sont appelés à maintenir leurs vœux ou leurs promesses.
Par ailleurs, les prêtres religieux ne peuvent normalement passer outre de leurs vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance.
Célibat des prêtres
L’Église catholique a deux embranchements : latine et orientale. Dans l’Église orientale, les prêtres peuvent se marier bien avant leur ordination. « Par conséquent, le célibat est l’un des critères requis au sein de l’église latine pour être accepté comme prêtre », dit le révérend Père Louis Gabriel Blot.
Le curé relate que dans le célibat librement consenti, le prêtre renonce à aimer une personne en particulier afin d’aimer toute personne rencontrée. Le célibat, prolonge-t-il, est avant tout une manière sociale de vivre, un état de vie.
« Le célibat ne concerne pas tous les prêtres au sein de l’Église catholique latine », souligne le révérend. Il précise qu’il est possible à des veufs de devenir prêtres lorsque leurs enfants, devenus adultes n’ont plus besoin de soutien parental.
Lorsque des prêtres commettent des agressions ou des actes sexuels, ils peuvent être jugés. « Dans les pays où il existe le concordat ou plus précisément quand l’État reconnaît la loi de l’église, les prêtres peuvent donc être jugés selon la loi de l’église sur les actes sexuels commis par ses membres », soutient le curé. Le prêtre reconnu coupable d’agressions ou d’actes sexuels, poursuit-il, perd donc ses pouvoirs et, ordinairement, peut être renvoyé de l’Église.
Renoncer au célibat
La possibilité pour qu’un prêtre se marie n’est pas toutefois écartée de sa vie. Il doit le faire en dehors du sacerdoce ministériel. « Dès lors, le curé peut alors garder son sacerdoce comme prêtre, mais il ne pourra pas être dans une paroisse pour avoir une responsabilité », clarifie Louis Gabriel Blot.
Le prêtre marié sera donc réduit à l’état laïque, c’est-à-dire qu’il est devenu comme n’importe quel autre fidèle au sein de l’assemblée.
En Haïti, des cas de pédophilie impliquant des prêtres missionnaires sont monnaie courante. Les églises locales, qu’elles soient catholiques ou protestantes, ont toujours été sous les projecteurs en raison d’abus sexuels commis par les hauts placés, plongeant parfois les victimes dans des traumatismes aigus.