Rachat de Vindémia par Hayot: "L'Autorité de la concurrence n'a pas fait son travail"
Révoltée par la décision de l'Autorité de la concurrence d'autoriser le rachat de Vindémia par le groupe Bernard Hayot, l'association ADECALOM annonce sa volonté de saisir le Conseil d'Etat et le tribunal administratif.
"La Réunion est sacrifiée". Remontée depuis l’autorisation du rachat de Vindémia par GBH, l’ADECALOM* a donné ce jeudi matin une conférence de presse pour annoncer sa volonté de saisir la justice. La décision de l'Autorité de la concurrence a d'autant plus de mal à passer que le ministre de l'Economie a décidé de ne pas faire jouer son pouvoir d'évocation - et donc de ne pas demander d'étude plus approfondie du dossier.
Une "humiliation", estiment les fondateurs de l'association dont le nom fait référence aux frères Adékalom, "symboles de la résistance réunionnaise contre les décisions prises sans considération des réalités locales". Un mouvement qui n'est "le relais d'aucune institution, d'aucun groupe économique ou politique", assurent ces "citoyens engagés" pour qui"l'Autorité de la concurrence n'a pas fait son travail et n'a pas joué son rôle".
"Méthode fallacieuse"
Car leur lecture du dossier est bien différente de celle de l'ADLC, laquelle estime les engagements de GBH suffisants et cette opération favorable aux intérêts du consommateur."Après l'opération, le mastodonte GBH pèsera 1,7 milliard d’euros de chiffres d’affaires rien qu’à La Réunion et règnera sur 45% de la consommation courante des Réunionnais", alerte l'économiste Amine Valy, l'un des fondateurs de l'ADECALOM, s'appuyant sur le dossier Girardier commandé par l’OPMR (l'observatoire des prix, des marges et des revenus). De quoi faire redouter des atteintes graves à la concurrence, un verrouillage des marchés de la distribution et de l’approvisionnement, ainsi que la dépendance absolue des fournisseurs locaux.
"On va donner des miettes à des groupes plus ou moins locaux qui habillent le projet", tacle l'ingénieur en agro-développement, à propos des sept magasins censés être cédés à deux repreneurs, Make Distribution et le groupe Tak. "Make ne tiendra pas forcément, il y a un risque pour l’emploi, même si l'Autorité de la concurrence dit le contraire", pointe-il encore du doigt. Et de faire remarquer : "Malgré les cessions, l'opération a pour conséquence une position dominante pour GBH de 37 à 40% sur le marché de la distribution généraliste sur l'ensemble de l'île avec au niveau local des positions de 40 à 62% sur trois zones de chalandise".
Quoi qu'il en soit, c'est la méthode même employée par l'ADLC qui est jugée fallacieuse. "Elle ne porte que sur la distribution alimentaire, mais elle doit porter sur le groupe", estime l'ADECALOM. Car l'emprise de GHB s'étend en effet à d'autres secteurs, comme l'automobile, le sport ou le bricolage.
"Scandale d'Etat"
"À qui profite le crime ?", questionnent alors les fondateurs de l'association, s'interrogeant sur l'indépendance de l'Autorité de la concurrence. "Le ministre de l’Economie, l’ADLC, le groupe Casino et le groupe Hayot forment le quatuor qui permet de faire passer cette décision. On est sacrifié sur l’autel des intérêts de GBH et Casino". Face à un"scandale d'Etat"qui se profile, l’ADECALOM entend ainsi saisir le Conseil d’Etat mais aussi le tribunal administratif en référé "pour faire interdire toute mise en œuvre de l'opération".
Parallèlement, les membres de l'ADECALOM ont lancé une pétition pour demander au président de la République d'empêcher ce rachat."Elle a atteint les 8.000 signatures", rapporte Jules Dieudonné, autre membre fondateur. Considérant qu'"aucune opération de ce genre n'aurait pu exister aujourd'hui sur le territoire métropolitain", l'association espère désormais qu'Emmanuel Macron "respectera sa parole de combattre les monopoles et rentes de situation" comme promis lors de sa visite de 2019. Histoire ne pas revenir au temps"de l'économie de comptoir".
*L'association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés outre-mer