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SEGUINEAU : L’APLATISSEMENT IDÉOLOGIQUE D’UNE CERTAINE ÉLITE POLITIQUE

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SEGUINEAU : L’APLATISSEMENT IDÉOLOGIQUE D’UNE CERTAINE ÉLITE POLITIQUE

Francis CAROLE
SEGUINEAU : L’APLATISSEMENT IDÉOLOGIQUE D’UNE CERTAINE ÉLITE POLITIQUE

Lors de l’Assemblée plénière de la CTM des 5 et 6 mai 2020, les élus, à l’unanimité, donnaient mandat au président du conseil exécutif pour négocier un compromis avec Bernard BALLY afin de mettre fin à un contentieux vieux de plus de dix ans concernant le passage d’une canalisation d’eau potable sur le terrain de ce propriétaire. Un mois après, au début de la plénière du 11 juin, avec le soutien objectif des partis dits « abstentionnistes », l’opposition, sans que cette question ne soit à l’ordre du jour, sans le moindre document préparatoire soumis aux élus, sans aucun compte rendu des démarches entreprises par la CTM, faisait voter un amendement prétendant intimer l’ordre au président du Conseil exécutif de verser 225 000€ à un gros propriétaire foncier, pour un terrain d’une valeur de 15 000€ !

« L’urgence » en guise de cache-sexe.

Personne ne songerait à sous-estimer l’importance de la question de l’alimentation de la population en eau, ni à nier les dysfonctionnements insupportables existant depuis des décennies dans ce secteur.

Mais celles et ceux qui font semblant de découvrir « l’urgence» de la situation et qui entendent sanctionner le président du conseil exécutif parce qu’un accord CTM/BALLY n’aurait pas été trouvé entre mai et juin 2020, sont les mêmes qui dirigeaient le conseil général entre 2009 et 2015 ! Ils ont donc eu 84 mois, 7 ans, pour trouver cet accord ! sans succès !

Pire ! Ils ont le toupet de se présenter, aujourd’hui, hypocritement, en grands défenseurs des intérêts du peuple, après avoir, durant des années, traité par le mépris les revendications populaires sur l’eau.Toupé pa ka tjoué !

C’est d’autre part chercher à tromper la population que de faire croire que le problème de la desserte en eau potable pourrait être miraculeusement réglée par les travaux à Seguineau. Certes, la réinstallation de la canalisation d’adduction d’eau potable de la Capot, d’un diamètre de 800 mm, améliorera de manière substantielle la desserte pour le centre et le sud. Mais cela ne suffira pas. La question de l’eau est systémique en Martinique : insuffisance de surpresseurs, perte de près de 50% de l’eau potable à cause de canalisations défectueuses, absence de réservoirs de stockage tampons, opérateurs multiples, prix, ressources etc...Ce n’est pas en se livrant à de petites manœuvres démagogiques que l’on apportera à cette question une réponse pérenne et à la hauteur des attentes de la population.

Où se situent les responsabilités ?

Comme de valeureux et dévoués valets, les élus du ppm et leurs suivants ont pris fait et cause pour Bernard BALLY qui serait devenu la pauvre victime de la collectivité de Martinique. Il faudrait donc le dédommager copieusement, sans négociations et tout de suite. Cette volonté d’inverser les responsabilités et de mettre en accusation les élu.e.s de la Martinique est pitoyable et symptomatique d’une culture de la soumission. Elle rappelle, très concrètement, des agenouillements que notre époque ne supporte plus. C’est un mauvais message que le PPM et les partis « abstentionnistes » ont fait passer à notre jeunesse et à notre peuple ce 11 juin, peu de temps après la célébration du 22 Mai 1848.

En effet, après le glissement de terrain de mai 2009 et la rupture de la canalisation d’eau, BALLY saisit le Tribunal Administratif, au prétexte que le conseil général serait à l’origine de l’affaissement du terrain. Il fut débouté par le tribunal qui conclut que les dégâts s’expliquaient par les pluies diluviennes et que le plaignant devait se faire « indemniser par sa compagnie d’assurances ».

Dès lors, le propriétaire s’ingénia à bloquer les travaux en exigeant la somme fantaisiste de 2 millions d’euros en guise de dédommagement, alors même que le tribunal l’avait débouté... Les travaux définitifs, évalués à 1.600.000€, qui avait commencé en avril 2010, avec l’accord verbal du propriétaire, durent être interrompus après rétractation de celui-ci. 946.000€ de travaux avaient alors déjà été exécutés ! Dans le cadre d’un protocole transactionnel signé le 13 juillet 2013, le conseil général a versé à M. BALLY, pour « préjudices », une première enveloppe de 92.347, 46€. Entre 2010 et mai 2015, les pertes financières du conseil général se sont élevées à 322.386,84 € TTC, à cause des arrêts et redémarrages des travaux sur Seguineau dus à des surenchères permanentes du propriétaire.

En réalité, tant le Conseil général que la CTM ont tout fait pour trouver une solution juste et réaliste à ce conflit qu’ils n’ont pas déclenché. Même la demande de l’ex-conseil général de procéder à la réquisition du terrain concerné -contre dédommagement-a été rejetée par le préfet en juin 2014.

L’agenouillement d’une certaine élite politique.

Le triomphe de l’amendement de la honte, en partie dans un abstentionnisme inquiétant, est l’expression de la capitulation idéologique d’une certaine « élite politique ». Celle-ci est prête à brader sa dignité pour quelques voix de plus, face à un grand propriétaire qui, depuis 10 ans, organise un véritable chantage pour tirer un parti financier abusif du passage des canalisations d’eau sur son terrain, au détriment de la population et de l’intérêt général.

Qui devrait être dédommagé de la CTM ou du propriétaire foncier ?

D’autre part, si le propriétaire foncier est « dédommagé » avec tant de zèle par ces élu.e.s à genoux, qui donc dédommagera les milliers de Martiniquais.es qui ont subi durant de longs mois ces coupures d’eau à répétition, à cause justement des exigences déraisonnables et égoïstes de ce propriétaire foncier ?

Cela nous amène à une autre interrogation : Pourquoi le PPM, si prompt à défendre les intérêts de BALLY, n’a-t-il jamais dédommagé les petits propriétaires martiniquais de Sainte-Thérèse que sa municipalité de Fort-de-France et la région de 2010-2015 ont chassés de leur habitation pour faire passer le TCSP ? Que faisait donc alors le porteur de l’amendement du 11 juin, président de la commission finances de Serge LETCHIMY, qui veut couper des têtes aujourd’hui ?

S’agit-il -pour reprendre son expression- d’un « préjugé ethnique » contre les plus pauvres, contre celles et ceux qui n’ont pas les moyens de se défendre, les enfants de ce peuple écrasé qui un jour de mai 1848 a décidé de mettre fin à une tragique plaisanterie ?

En conclusion

Il reste, en dépit de ces manœuvres ridicules, que les négociations entre le propriétaire et la CTM se poursuivent, dans l’intérêt général, afin de trouver le compromis le plus pertinent possible et de commencer aussitôt les travaux qui permettront de régler un des aspects du problème de l’eau tel qu’il se pose dans notre pays.

Il y a bien entendu urgence à surmonter un blocage qui a été imposé depuis 10 ans aux collectivités martiniquaises et entraîné de nombreuses souffrances . Nous y parviendrons sans nous mettre à genoux et sans créer des précédents aussi honteux que dangereux que l’amendement de la honte. Et le peuple nous donnera raison.

Au-delà, la CTM doit s’engager sur l’ensemble des problématiques de l’eau avec pour objectifs un opérateur unique, un prix unique et la sécurité de la distribution d’une eau de qualité à toute la population.

Francis CAROLE

MARTINIQUE

Mercredi 17 juin 2020


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