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Sécurité alimentaire: pourquoi a-t-on tué l’industrie du sel à Maurice ?

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Sécurité alimentaire: pourquoi a-t-on tué l’industrie du sel à Maurice ?

Par Narain Jasodanand
Sécurité alimentaire: pourquoi a-t-on tué l’industrie du sel à Maurice ?

Les ménages ont remarqué depuis quelques années la disparition du sel de table local. À la place, le sel est importé de l’Inde et de Chine. Pourtant, notre île est entourée d’eau salée qui ne demande qu’à être utilisée pour en retirer le sel.

Le sel : de la cuisine à l’industrie

En 2018, on a importé près de 10 000 tonnes de sel pour environ Rs 40 millions principalement de l’Inde et de la Chine. Le sel est utilisé non seulement par les ménages, mais aussi par les industriels alimentaires pour la salaison, l’assaisonnement et la conservation. D’autres industries utilisent beaucoup le sel, comme les fabricants de produits chimiques tels le détergent. C’est un gros marché mais les producteurs locaux de sel, il faut le dire, y ont été exclus par les autorités elles-mêmes. Pourquoi ?

«Pas bann la ki pou désidé ki disel nou pou konsomé»

Les tracasseries faites aux producteurs ont commencé dans les années 1990, nous dit un ancien producteur : «Un jour, un représentant d’un ministre est venu me voir pour me demander de vendre tout le sel que je produis uniquement à un raffineur, sinon j’aurais à faire face à des complications.» Le producteur a refusé, et les «complications» ont en effet commencé par des analyses qui tendent à démontrer que le sel local est impropre à la consommation, selon les scientifiques d’un ministère. Les producteurs ont été obligés d’inscrire sur les sacs de sel brut «sel impropre à la consommation humaine». Pourtant, le sel local est consommé depuis 250 ans, nous dit le producteur.

Ce dernier ordonne des contre-analyses en Angleterre, à Monaco et en Afrique du Sud. Elles prouvent que le sel local est non seulement bon pour la santé mais même meilleur que le sel industriel. Les résultats sont montrés à ce haut fonctionnaire qui rétorque : «Pa bann-la ki pou désidé ki disel nou pou konsomé !» Et quand le producteur lui demande si le sel importé proposé en remplacement a été analysé, la réponse du fonctionnaire est : «Ça ne vous regarde pas !»

Sel importé

Le sel de table raffiné était importé dans les années 2014 en vrac et mis en sachet localement dans le port franc. C’était juste après la complète libéralisation de son importation et l’emballage se faisait juste pour faire croire que l’on crée des emplois. Parlant d’emplois, un des opérateurs était un… Indien qui a depuis fermé boutique. Le sel en sachets est désormais importé par plusieurs dizaines d’importateurs.

Droits de douane

En 2013, les producteurs locaux qui employaient en moyenne une vingtaine de personnes par saline rencontrent le ministre du Commerce de l’époque. Après discussions sur la façon de leur venir en aide face au déferlement du sel importé sur notre marché, le ministre lui-même propose d’augmenter le droit de douane sur le sel importé de 9 à 12 %. Satisfaction des producteurs. Qui sera de courte durée. Car quelle ne fut pas leur surprise en écoutant le ministre des Finances annoncer lors du discours du Budget que les droits de douane passaient de 9 à… 6 %. Commence alors la descente aux enfers pour nos producteurs. Qui doivent faire face en même temps à la pression immobilière.

Béton sans sel

Pourquoi favorise-t-on les importations du sel au détriment du local qui est d’ailleurs meilleur pour la santé ? Pour Percy Yip Tong, «les salines de Mont Calme ont fermé car elles n’étaient plus rentables depuis que le gouvernement a autorisé l’importation du sel industriel. Comme les Salines couvrent une grande surface de terrain, c’est malheureusement logique que ces terres dans une région très prisée deviennent l’objet de la convoitise des promoteurs immobiliers.» Carina Gounden de l’ONG Aret Kokin Nou Laplaz blâme les autorités : «Les centres commerciaux pullulent sans qu’il n’y ait un besoin d’en avoir autant et les autorités accordent des permis à tour de bras… Nous nous retrouvons avec des projets pour lesquels il n’y a même pas de demande et que les habitants eux-mêmes rejettent pour diverses raisons très valables.» En fait, un seul producteur résiste, Les Salines de Yemen de la famille Maingard, contre vents et… marées salantes.

Le ministre actuel des Petites et moyennes entreprises se décidera-t-il enfin à venir en aide aux producteurs locaux ?

 

Post-scriptum: 
Le métier de saunier disparaît, on a la matière première, mais l’on importe du sel de l’étranger.

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