La question de décharge a eu un effet accélérateur dans l’assassinat de Jovenel Moïse, selon Jean Gabriel Fortuné
Pour l’ancien sénateur Jean Gabriel Fortuné, la décision prise en Conseil des ministres et publiée dans Le Moniteur le 5 juillet dernier accordant décharge pleine et entière aux anciens Premiers ministres et ministres ayant servi le pays entre 1991 et 2017 a eu un effet déclencheur dans l’assassinat du président Moïse.
Intervenant à la matinale de Magik9 (100.9), le vendredi 16 juillet 2021, l’ancien sénateur du Sud Jean Gabriel Fortuné est revenu sur l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse dont il était réputé très proche. M. Fortuné, qui ne s’attendait pas à ce que Jovenel Moïse soit assassiné, soutient pourtant avoir été certain que le président n’allait pas terminer son mandat. La décision de ce dernier d’accorder décharge aux Premiers ministres et ministres ayant servi le pays entre 1991 et 2017, moyennant un avis favorable de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC-CA) a eu, de l’avis de l’ancien maire des Cayes, un effet déclencheur dans la mort du président Moïse.
« Lorsque le président est venu avec la question de décharge, je lui avais dit que c’était une question explosive. Il m’avait dit que cela ne concernait pas tout le monde, mais uniquement ceux qui ont un avis favorable. J’en ai ri. Je pense que c’est le fait accélérateur, le fait déclencheur. Il ne faut pas oublier que cette question de décharge a mis face à face deux frères ennemis », déclare M. Fortuné, citant Michel Martelly et son Premier ministre Laurent Salvador Lamothe.
Outre cette question de décharge, l’ancien parlementaire évoque une guerre mafieuse pour le contrôle du pouvoir en 2022. « L’enjeu de tout cela, c’est la question de 2022: quel secteur mafieux va prendre le pouvoir en 2022 », martèle Jean Gabriel Fortuné, qui pense que le président Moïse a été livré par son «parrain».
D’un autre côté, l’ancien père conscrit de la nation pense que l’assassinat de Jovenel Moïse est une manifestation de la haine sociale intrinsèque à la société haïtienne. « Il y a toujours une tension sociale entre la minorité et la majorité », soutient-il. « Ils ont toujours traité Jovenel Moïse comme un bossale, un petit esclave hasardeux qui joue dans la cour des grands », ajoute l’ancien maire des Cayes. Pour lui, l’assassinat du président Moïse est une leçon pour les gens de la classe moyenne qui font de la politique. « Ils nous révèlent notre sort si nous continuons comme ça », dit-il.
À en croire Jean Gabriel Fortuné, le pays fait face à une mafia d’État. Des organisations politiques ou populaires, ayant des modes opératoires mafieux, prennent l’État en otage depuis près de 20 ans, affirme M. Fortuné. « Beaucoup d’organisations politiques sont des organisations mafieuses qui prennent l’État en otage avec la complicité du secteur privé des affaires », dénonce l’ancien élu du Sud au Parlement haïtien.
Jean Gabriel Fortuné pense par ailleurs à d’autres pistes pour trouver les vrais auteurs de l’assassinat du président Moïse. « Le président était directement en face de certaines personnes. Des oligarques ne cachaient jamais leur volonté de mettre fin à cette affaire de façon brutale. Ce sont des pistes intéressantes », affirme-t-il. Mais M. Fortuné pense qu’ils n'auraient pas pu assassiner le président seuls. « Il a fallu ce complot qui rassemble tous ceux qui ont des griefs contre le président pour y arriver avec autant de facilité », soutient Jean Gabriel Fortuné.
Pour sortir du chaos
L’assassinat de Jovenel Moïse plonge le pays dans une situation n’ayant eu aucune prévision constitutionnelle. Pour Jean Gabriel Fortuné, les acteurs politiques en sont responsables. Malheureusement, souligne-t-il, ce sont les mêmes visages, les mêmes politicards qui font des propositions pour placer des gens au pouvoir. « C’est le bal des imposteurs », considère M. Fortuné. « Comment comprenez-vous qu’on ne peut même pas trouver un minimum d’entente pour organiser les funérailles du président ? », s’insurge l’ancien parlementaire.
Il est nécessaire de trouver une entente, croit M. Fortuné. Mais parallèlement, il faut qu’il y ait des groupes de réflexion pour trouver une issue à la crise. « Nous n’avons pas besoin de nous précipiter à mettre des gens au palais ou à la Primature. Ce qui doit être fait, c’est laisser le Palais et la Primature tranquilles », affirme l’ancien législateur. Il propose un groupe de sages composé de représentants de la Conférence épiscopale d’Haïti (CEH), de la Cour de cassation, du Conseil des recteurs des universités entre autres. Ce groupe, qui serait composé de 11 à 15 personnes, produirait des réflexions pour les soumettre à la nation.»
Mais, poursuit Jean Gabriel Fortuné, sans l’apport de l’international, particulièrement des États-Unis, le pays ne pourra pas sortir du chaos. Il y voit toutes sortes d’interventions, y compris une intervention militaire des Casques bleus de l’ONU. « Personne ne doit se mentir. Sans l’apport direct de l’international, en particulier des États-Unis, nous ne pouvons pas sortir de cette crise », martèle-t-il évoquant entre autres la prolifération des bandes armées sur le territoire national. « Le peuple haïtien est en danger, il est du devoir des États-Unis d’Amérique d’intervenir », soutient-il, invitant à lire entre les lignes la déclaration de Joe Biden disant que les États-Unis n’envisagent pas d’envoyer des troupes dans le pays pour le