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Au CHU de Martinique, "on n'a pas les moyens de prendre tout le monde en charge"

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Au CHU de Martinique, "on n'a pas les moyens de prendre tout le monde en charge"

AFP
Au CHU de Martinique, "on n'a pas les moyens de prendre tout le monde en charge"

"Je n'ai pas fait ce métier pour devoir choisir entre un homme de 50 ans et une femme enceinte": au service de réanimation du CHU de Martinique, "submergé" par les malades du Covid-19, "on n'a pas les moyens de prendre tout le monde en charge".

"On fait de la médecine de catastrophe", explique à l'AFP le professeur Hossein Mehdaoui, chef du pôle réanimation du CHU, la voix lasse.

Avec la quatrième vague de Covid-19, qui frappe les Antilles de plein fouet, tout le service de soins intensifs est entièrement consacré à l'épidémie: 46 patients y sont actuellement soignés, et 10 lits supplémentaires vont s'y rajouter dans la journée. L'arrivée d'une unité du service militaire des armées va aussi permettre à terme de déployer 20 lits de plus.

Plus largement, l'ensemble du CHU est très largement consacré au Covid, comme le montre la consommation d'oxygène, multipliée par six. "L'hôpital s'est quasiment arrêté d'opérer", dit le médecin.

Plus de 250 patients atteints du coronavirus sont soignés dans l'établissement. Seuls les plus gravement atteints se trouvent en réanimation.

"Cet hôpital n'est pas fait pour prendre autant de patients, on est submergé", explique le docteur Mehdaoui, alors que le taux d'incidence du Covid atteint près de 1.200 cas pour 100.000 habitants sur l'île.

"Mortalité sans précédent"

"70 malades sont arrivés cette nuit aux urgences, il va falloir en hospitaliser une cinquantaine, et entre 10 à 20 % iront en réa", précise-t-il.

 

Le professeur déplore "une mortalité sans précédent", avec "deux décès par jour dans la seule unité de réa". Sur les dernières 24 heures, 10 personnes sont mortes du Covid à l'hôpital, - soit la moyenne habituelle sur l'ensemble de l'île -, contre 2 à 3 en temps normal, précise le CHU.

Dans une chambre du service, une femme enceinte de 29 ans a dû subir une césarienne "en catastrophe"à 27 semaines de grossesse, car le bébé manquait d'oxygène. Le pronostic vital de l'enfant, grand prématuré, est "réservé", et la jeune mère, sous coma artificiel, "est en danger de mort. Si on n'arrive pas à rétablir la situation dans l'heure, elle va mourir", se désole le médecin.

Un peu plus loin, un jeune homme de 28 ans, souffrant de diabète sévère, lui aussi sous anesthésie générale, a été placé sous hémodialyse. "Il a très peu de chance de s'en sortir", regrette le professeur Mehdaoui.

 

Dans une autre chambre, huit soignants entourent un jeune homme sédaté et placé à plat ventre sous assistance respiratoire. Au signal, tout le monde le soulève, à l'aide d'un drap pour le déplacer et lui retirer son linge souillé.

La moyenne d'âge des patients est désormais de 48 ans. "C'est la maladie de tout le monde", insiste le professeur Mehdaoui.

Depuis 28 ans au CHU, il dit n'avoir "jamais vu ça, jamais". "J'ai déjà vu des événements assez catastrophiques" comme des ouragans, mais ils étaient ponctuels, souligne-t-il. "Là, on est dans un événement récurrent qui nécessite d'énormes moyens, On ne pourra pas soigner tout le monde".

"On est hors capacité de prendre en charge de manière optimale toutes les personnes". "Aujourd'hui, un malade chasse l'autre". "Quand il n'y a plus de place en réa, il n'y a plus de place. Il faut qu'on se débrouille en attendant, et pendant que les patients attendent ils se dégradent".

"Les morgues sont pleines"

"Ce que j'attends, c'est une prise de conscience de la population, pour qu'elle nous vienne en aide", en se faisant vacciner, car "c'est une épidémie de gens non vaccinés". "Il faut se réveiller, les morgues sont pleines", dit-il.

Dans la chambre mortuaire du CHU, les 25 casiers sont effectivement occupés. "Le matin, il peut y avoir des corps en attente car il n'y a plus de place, c'est tendu", raconte Dominique Arad-Chenor, responsable de la chambre mortuaire.

Sur le parking, un ballet de fourgons des pompes funèbres entre en scène. A tour de rôle, ils viennent récupérer les corps des patients décédés.

C'est "grâce aux sociétés de pompes funèbres" et à "leur réactivité", que la chambre mortuaire n'est pas saturée, insiste M. Arad-Chenor. Certaines font parfois plus de 5 rotations par jour.

Chaque corps, enveloppé dans un drap, est mis dans un sac mortuaire, puis déposé dans le cercueil, préalablement arrosé d'eau de javel. Le cercueil est ensuite scellé à la colle à bois "pour que ce soit hermétique", puis fixé par des vis.

"C'est la première fois en 26 ans que je vois autant de décès", avoue Eric Nadeau, agent de la chambre mortuaire.


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