LE DEPART DU PROCUREUR CORBEAU

Peu enclin aux débats et à la critique, qu'il souffre qu’on ne partage pas sa vision d’une brillante mandature.

Rappelons un incident qui donne toute sa saveur au bilan du Procureur. Souvenez-vous. Juste après son arrivée, une jeune française qui prenait un avion pour rentrer à Paris entend des passagers parler arabe. Panique. Elle considère qu’elle a affaire à des terroristes. Nos paisibles  syriens locaux sont débarqués, mis en garde à vue, humiliés, leurs bagages fouillés. Bien entendu, aucune bombe ! Mais, quelques jours plus tard, le Procureur félicite la jeune délatrice. Parler arabe était en soi suspect.

Cette anecdote résume à elle seule le bilan de M. Corbeau.

Soyons juste, M. Corbeau est un très bon fonctionnaire français. Il a fait son travail conformément aux directives qu’on lui a données ou qu’il a reçues. Comme souvent, il a passé tous ses premiers mois à critiquer son prédécesseur.

Force est de constater, quelques années plus tard, que la situation n’a que peu évolué.

Il se flatte d’avoir fait baisser la délinquance. C’est erroné. Tous les martiniquais le savent et le voient.

Ce qui est vrai en revanche, c’est que le traitement judiciaire de la délinquance a été plus rapide. M. Corbeau est un adepte de la justice répressive et expéditive, il dirait « efficace ». Ainsi, il a fortement contribué à l’augmentation de la sur-occupation de Ducos, renforçant la pire école du crime et de la délinquance en Martinique. Son Parquet a opté pour le refus systématique des peines alternatives et a freiné des quatre fers la mise en place des libérations conditionnelles.

Le choix du « tout » répressif a eu comme effet de renforcer la délinquance et d’augmenter la violence.

En fait, la politique mise en place est une véritable bombe à retardement que la Martinique paiera au prix fort.

Néanmoins, cette lutte contre la délinquance n’a pas été généralisée.

En effet, aucune poursuite pour délit d’entrave contre les patrons au grand désespoir de la direction du travail. Aucune protection pour les travailleurs en matière de santé et même en cas d’accident mortel. En la matière  un parquet aux abonnés absents. Absolument rien pour la défense de l’environnement, domaine qui était pourtant dans la feuille de route ministérielle.

Pas de poursuites contre les propos racistes comme suite aux évènements de la fin d’année au CHUM.

M. Corbeau a fait des choix qui démontrent sa conception de la justice et de ceux qui doivent être frappés.

Dans l’affaire dite du Ceregmia, il aura fallu une manifestation d’étudiants et de professeurs de l’UAG au Palais de justice pour que le Parquet cesse de tergiverser et ouvre enfin une instruction. Contre l’avis du juge d’instruction, le Parquet, fait rarissime, s’est opposé à toute incarcération !

M. Corbeau n’a pas craint, dans ses déclarations à FA, de parler du crash de Macaraibo. Il dit avoir longuement étudié le dossier avant de requérir un non-lieu. Pour bien connaître ledit dossier, je me permets d’émettre  quelques doutes sur cette  « longue étude » au regard de l'ampleur de ce dernier. Mais surtout, avant de prendre ses réquisitions de non-lieu, jamais le Procureur n’a accepté de rencontrer les familles des victimes. Il a par ailleurs refusé systématiquement toutes les demandes de leurs avocats. Notre analyse s'agissant de ce  non-lieu, est que le Parquet de M. Corbeau s’est proprement défilé sur la détermination des responsabilités.

Il y a des limites à l’indécence : le respect des morts.

Sur l’affaire Green Parrot, j’ai déjà livré mon sentiment et j’y reviendrai peu. M. Corbeau a fui un débat loyal et contradictoire en demandant le dépaysement. Il reste que je suis légèrement en désaccord avec mon ami et confrère  Alex Ursulet qui prête au Procureur un rôle particulier. En fait, depuis 1635, tous les procureurs (du Roi, de l’Empereur ou de la République) qui ont officié en Martinique ont, sur les questions politiques, fait ce que le pouvoir central attendait d’eux. En cela, M. Corbeau n’a fait ni plus, ni moins.

Sur la politique pénale du Parquet, on observera in fine que rien n’a été prévu, conçu pour combattre le rôle de plaque tournante dévolue à notre pays (ainsi qu'à la Guadeloupe et la Guyane) par les cartels sud-américains pour l’envoi de la cocaïne en Europe. Là aussi, l’inertie de la politique pénale nous promet des jours difficiles. L'évasion spectaculaire, grâce à un commando armé, d'un présumé baron de la drogue en est une bien sinistre illustration.

J’ai commencé ce propos par une anecdote. Je termine en relatant  deux faits.

En septembre 2015, les magistrats du siège du Tribunal de Grande Instance de Fort de France ont entamé un mouvement contre leurs conditions de travail et le nombre impressionnant de postes non pourvus. Le Barreau a soutenu ce mouvement avec ses propres moyens. Le Parquet avec à sa tête M. Corbeau ne s'y est pas associé mais s’en est publiquement désolidarisé.  Il arrive parfois que les intérêts particuliers et carriéristes des hauts fonctionnaires priment sur l’intérêt général…

Enfin, je peux témoigner au regard de mes deux mandats de Bâtonnier de l’impossibilité de tout dialogue avec M. Corbeau. Au début, nous pensions que l'homme était timide, réservé. Puis, ayant écarté l’idée qu'il s'agissait d'une forme d'autisme avancée nous en étions venus à nous dire qu'il faisait simplement preuve d’une certaine suffisance.

Maintenant, à la lecture de son interview et de son bilan nous avons acquis la conviction que sans doute M. Corbeau ne prise guère les avocats martiniquais.

Il part. Eux restent!

Bon vent. Que le soleil de Pontoise (Pauvre Adama Traoré !) lui soit clément…