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Que veut signifier le défilé des 500 frères en Guyane ?

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Que veut signifier le défilé des 500 frères en Guyane ?

Que veut signifier le défilé des 500 frères en Guyane ?

Le Surinamais en est abasourdi, l’Antillais, déconcerté et le Guyanais, plutôt blasé. Toutefois, le rythme s’accélère. Les manifestations contre l’insécurité se multiplient. On sent monter une sourde colère, de partout, jusqu’à Saint-Georges, frontalière avec le Brésil, que l’on espérait suffisamment bucolique et paisible pour dissuader les délinquants.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’est pas interdit d’espérer que les 500 Frères et les forces de police parviennent, ensemble, à faire prévaloir une véritable stratégie « anti-insécurité ». Pas impossible. Pas certain tout de même. Que les Guyanais, pour obliger les pouvoirs publics à repenser leur plan contre l’insécurité, soient obligés de défiler dans les rues, vêtus de noir, cagoulés et poings levés façon Black Panthers, voilà qui en dit long sur la singularité de la Guyane française au sein de la République française. Pis. On sait désormais que nous venons de loin. De très loin, même. L’explosion de la violence a fini par donner au Guyanais le sentiment qu’il ne peut compter que sur lui-même pour se défendre et défendre les siens.

On ne voit pas pourquoi le Préfet de région, et en général tous ceux qui en Guyane sont chargés d’assurer les missions régaliennes de l’Etat, devraient s’accommoder d’une telle régression. Tout phénomène a une explication et on peut trouver l’origine de ces agressions à répétition dans l’état d’abandon chronique où se trouve le système éducatif en Guyane. S’il faut en croire le Rectorat, depuis 2014 pas moins de 3 000 jeunes quittent l’école chaque année sans le moindre diplôme. Ce n’est pas tout. Près de 58% des jeunes de la Communauté de Communes Des Savanes –de Kourou à Iracoubo- ne sont ni scolarisés, ni employés, ni même inscrits dans une quelconque formation. Il y a sans doute là un beau sujet de thèse pour les sociologues en mal d’exotisme. Ce n’aurait pas dû être un phénomène indifférent pour ceux que l’on appelle responsables ou qui s’estiment tels. Pensons-y. La société guyanaise est devenue un espace inflammable que la moindre étincelle peut embraser. Et pour cause. L’insécurité se répand comme une marée noire que rien ne semble en mesure d’arrêter.

Comment donc mieux dire l’impasse dans laquelle s’enfonce actuellement la Guyane ? De plus en plus consciente des dangers, des voix, dans le sillage des 500 Frères, commencent à s’élever pour exprimer le besoin de ruptures nettes avec les politiques suivies depuis Paris. Sauront-elles se rassembler, construire des majorités de changement, sans affadir l’exigence de contenus alternatifs dont leurs mobilisations sont porteuses ? C’est sans doute pour l’heure le principal défi qu’il faut travailler à relever. Les exemples de dysfonctionnement du statut actuel de la Guyane se ramassent, il est vrai, à la pelle. A la fin du mois de janvier, l’Assemblée nationale a achevé l’examen en première lecture du projet de réforme du Code minier. Pour la Guyane, ce nouveau Code consacre le renforcement des règles environnementales et la consultation du public, sauf qu’ont été retoquées les deux seules revendications proprement guyanaises, à savoir : la délivrance de titre minier par la CTG et surtout la revente au profit des collectivités guyanaises de l’or saisi. Chacun se souvient des désormais fameux 150 kilos d’or extraits, en octobre 2012, du Tribunal de Cayenne en toute discrétion et rapatriés dans l’Hexagone. Ces 150 kilos d’or venaient de l’accumulation des prises effectuées depuis 2007. Le métal avait beau être amalgamé, au cours de l’or d’alors (42 000 euros le kilo) il ne valait pas moins 6,3 millions d’euros. Or la Guyane, dont le retard de développement va bientôt se compter en années-lumières, subit seule les conséquences de l’orpaillage clandestin. S’il faut en croire la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), dans un avis adopté à l’unanimité le 23 février dernier, les Guyanais d’origine amérindienne, à l’image des Kanaks de Nouvelle-Calédonie, sont encore victimes d’une marginalisation et d’un manque d’accès aux droits.

A dire vrai, depuis 2010, date de la désormais célèbre consultation populaire sur l’évolution institutionnelle, les Guyanais se montrent un brin schizophrènes tout en refusant sans ciller d’assumer leurs contradictions. N’ont-ils pas réussi le tour de force de choisir le statu quo, avant de multiplier les appels pour plus de pouvoir dès que la conjoncture a pris un visage inquiétant ? C’est sans doute là le malaise dont le défilé des  500 Frères est l’expression la plus préoccupante.

 René Ladouceur.


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