Collectivités locales : Après la tempête Hollande, le cyclone Macron. Résistons !
Michel BRANCHI
Alors que la Martinique constate que deux de ses éminentes collectivités, à savoir la Collectivité territoriale de Martinique et la municipalité de sa capitale Fort-de-France sont en déficit en 2016 pour des motifs radicalement différents, le gouvernement Macron-Philippe annonce une nouvelle purge pour les collectivités et les services publics pour les 5 ans à venir.
Une baisse des dépenses de 13 milliards d’euros est imposée, au lieu des 10 milliards d’euros annoncés par Macron au cours de sa campagne électorale. Dans les trois dernières années les collectivités ont été ponctionnées de 9,4 milliards d’euros par Hollande-Valls. Il est programmé une suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (8,5 milliards d’euros). On le sait, pas d’autonomie locale sans réelle autonomie fiscale. En réalité, c’est le caractère injuste de la taxe d’habitation qu’il fallait réformer, comme les communistes le réclament depuis des lustres.
En Martinique , on sait qu’entre 2013 et 2017 la CTM a perdu plus de 27 millions d’euros de dotation globale de fonctionnement de l’Etat, la Cacem a été purgée de 8 millions d’euros et la Ville de Fort-de-France a craché au bassinet du dit « redressement des finances publiques » françaises quelques 7,25 millions d’euros. Sur la Martinique entière ce sont des dizaines de millions d’euros de perte pour les collectivités sous Hollande.
Même si la part de la taxe d’habitation dans les budgets des communes et des communautés d’agglomération de notre pays est moindre qu’en France, sa quasi-suppression serait une perte irréparable. Pour Fort-de-France, par exemple, cela représente 17 millions d’euros annuels alors que l’annuité de la dette se monte à 25 millions d’euros. La Taxe d’habitation rapporte de l’ordre de 100 millions d’euros par an en Martinique.
L’octroi de mer qui est une autre des ressources principales de nos collectivités (195 millions d’euros) est à la peine puisque depuis quelques années la croissance économique et la consommation sont anémiées ralentissant les importations et donc le produit de l’octroi de mer qui leur est lié intrinsèquement.
Une étude assez confidentielle de l’Agence française de développement (AFD) dévoilée l’an dernier devant l’Association des Maires de Martinique révèle qu’entre 2008 et 2015 la part des impôts locaux dans les recettes de fonctionnement des communes a augmenté de 6,2 % alors que celle de la dotation globale de fonctionnement servie par l’Etat a baissé de 7,6 % de mêmes recettes. Elles se sont endettées fortement.
Avez-vous entendu protester nos édiles suffisamment forts contre cette forfaiture contre un petit pays mal et sous-développé ayant encore besoin d’infrastructures, devant faire face à une pauvreté grandissante et frappé par un chômage si fort qu’il pousse ses jeunes à l’exode ? Non. Ils gémissent, c’est tout.
Députés et sénateurs issus de « Ensemble Pour une Martinique Nouvelle » et du néo-PPM se sont associés au prétendu « redressement des finances publiques » de la mère-patrie et ont voté ces baisses des concours de l’Etat aux collectivités. Et ici ils font mine de protester. Double langage et double jeu écœurant.
Alors beaucoup de collectivités, au-delà de la qualité parfois criticable de leur gestion, ont été acculées ces dernières années soit à augmenter les impôts (cf. l’exemple de l’Espace Sud, du Diamant, de Sainte-Anne, Saint-Pierre, Saint-Joseph, Lamentin, etc), soit à ralentir ou supprimer leurs programmes d’investissement contribuant à mettre le pays « à l’arrêt » selon une expression des démolisseurs du pays, soit à s’endetter au-delà du raisonnable. C’est le cas de Fort-de-France déjà en mauvaise posture du fait de sa gabegie qui pratique à la fois l’endettement exagéré et la baisse des investissements.
Hypocritement Macron dit que la méthode va changer. On va, susurre-t-il, « inviter » les collectivités à faire un effort de baisses des dépenses de fonctionnement.
Mais il ajoute : « Pour celles et ceux qui ne jouerons pas le jeu, il y aura un mécanisme de correction l’année suivante ». Donc de gré ou de force il faudra baisser les dépenses.
Dans le même temps, il fait miroiter des délégations de compétences aux élus locaux. En fait, en bon bonapartiste, Macron envisage de donner aux préfets « un pouvoir d’adaptation locale des règlements ». Pas aux élus. Il s’agit plus de déconcentration que de décentralisation. Drôle de liberté d’action aux élus…
La carotte, c’est l’illusion d’autonomie politique et le bâton, c’est la perte d’autonomie financière.
Il va sans dire que cette politique ne passe pas en France. Macon a perdu en une semaine 10 points popularité malgré son soi-disant « sans faute » en politique internationale.
Les élus martiniquais qui connaissent la grande fragilité économique et sociale de notre société ne peuvent accepter une telle politique d’austérité aveugle. Nos collectivités, tous échelons confondus, pèsent 24 % du PIB contre un peu plus de 11 % en France. C’est dire leur importance dans l’économie et l’emploi.
La CTM, même si certains s’acharnent à faire croire de manière irresponsable qu’elle croule sous les excédents, se doit de rétablir sa santé financière pour garantir l’avenir et mettre en place les fondements d’un nouveau modèle de développement. C’est la seule manière de sortir du cercle vicieux de la crise des finances publiques et créer des ressources nouvelles.
Michel Branchi
(25/07/2017)