Masisi, Madivin. Halte là !
Haïti est l’un des Etats les plus prospères en Amérique, dans le grand monde même. Très haut niveau de vie, une économie florissante faisant poindre des pétales de bonheur au cœur de chaque habitant de l’île. Tout ça en grande partie parce qu’en Haïti, nous avons des législateurs dépourvus d’appétit pour des contre-feux politiques, entièrement dévoués à la chose publique, ils se sont toujours penchés sur les problèmes criants de notre corps social.
Je pense rapidement à la grande mobilisation et à tout le système de pression juridique mis en place par nos illustres parlementaires pour que toute haïtienne, tout haïtien exerçant une activité professionnelle attachée à quel que soit le secteur puisse recevoir un salaire plancher humain, un salaire leur permettant de se nourrir, de se loger, de se vêtir, de s’occuper de leurs enfants, de partir en vacances. Au parlement, la séance était de toutes les chaleurs. Mille gourdes par jour qu’ils ont exigé au patronat pour ces gens qui ont fait d’eux des pères conscrits.
Le sens des priorités cela s’appelle.
Je me rappelle aussi de la mobilisation des parlementaires pour que tout haïtien puisse jouir d’une couverture sociale et d’une assurance maladie. Présentement en Haïti, nous disposons d’hôpitaux ultramodernes auxquels ont accès toutes les catégories sociales pour un rien étant donné qu’une proposition de lois touchant à la santé publique a été votée il y a des années.
Le sens des priorités cela s’appelle.
En Haïti, nous disposons depuis des décennies maintenant d’une université d’Etat qui produit des savoirs louables. Les étudiants sont dans les meilleures conditions d’étude qu’on puisse imaginer. Et les professeurs ne sont pas des détenteurs d’un simple master 2, ils ont l’agrégation complète pour être professeur à l’université. Et que dire de l’intégration professionnelle des étudiants. Là encore, nos parlementaires brillent dans leurs capacités à proposer des lois salvatrices. Le chômage est un vain mot en Haïti.
Le sens des priorités cela s’appelle.
Haïti est un espace géographique de forte sismicité. On en a surtout pris conscience après le tremblement de terre de janvier 2010. On a eu sur les bras beaucoup de morts. Nos parlementaires ont bien mesuré l’ampleur du drame ; depuis, en bons parlementaires, ils ont proposé et voté une batterie de lois régularisant la façon de construire en Haïti. Fini les bâtiments érigés au petit bonheur au petit malheur. Tout le bâti haïtien est actuellement parasismique. Mais quelle chance que nous avons d’avoir en Haïti un tel parlement.
Le sens des priorités cela s’appelle.
Nos parlementaires ont aussi proposé et voté des lois portant sur la salubrité de nos aires urbaines, sur la protection de l’environnement (grâce à cette loi et au lobby des parlementaires à la main verte la couverture végétale d’Haïti est de 90% aujourd’hui). Nos illustres ont aussi voté des lois contre la corruption et les pots de vin. Alors là, on n’est pas à l’école de la petite blague. Ils sont très à cheval là-dessus. Les parlementaires ne tètent pas la langue des corrompus. Ils se battent corps et âmes pour que les intérêts supérieurs de la nation soient au-dessus de tout. Personne ne peut prétendre avoir vu des parlementaires trainer dans les ministères pour des affaires à la transparence douteuse. Ils sont d’une honnêteté vierge marie.
Conscients que le pays était pauvre il fut en temps, pour assainir les finances publiques les parlementaires ont proposé et voté moult lois portant sur une politique économique d’austérité et c’est grâce à cette politique qu’on a pu dégager des ressources investies dans la construction d’infrastructures et de centrales électriques qui vont faire briller les ampoules 24/24 en Haïti. Finies les voitures de parlementaires à 70.000 USD, finis les bons de carburant, carte de recharges, per diem astronomiques ; pour se rapprocher des plus humbles, les parlementaires ont daigné accepter un modique salaire sans autres avantages et primes qui perceraient la bourse des finances publiques.
Le sens des priorités cela s’appelle.
Toutefois ayant fini de se pencher sur les vrais problèmes du corps social haïtien : la faim, le chômage, la santé, l’éducation, l’assainissement, la sécurité publique, l’environnement, la corruption institutionnalisée et autres grands problèmes sociaux ; nos pères conscrits ont constaté l’arrivée en Haïti d’un phénomène particulièrement contre-nature et excessivement dégradant : l’homosexualité.
Au sein de beaucoup de sociétés occidentales extrêmement pauvres comme les Etats Unis, la France, la Hollande, l’Allemagne, l’Espagne, la Norvège, etc. ce phénomène bizarroïde passe pour du normal ; et avec regret, mais vraiment la mort dans l’âme, les parlementaires haïtiens constatent que des couples homosexuels peuvent « se marier » au sein de ces pays-là mais quelle abomination ! De quel droit ces gens-là peuvent-ils s’aimer ? C’est de la dépravation, la décadence totale ? Et qui pis est, ces Etats-là n’ont même pas, comme nous en Haïti, cherché d’abord à employer leurs énergies à résoudre leurs réels problèmes de société, ils s’occupent de ce qui se passent dans les slips et les culottes des gens.
Quel crime infamant ! D’autant qu’en Haïti, dans toute l’histoire d’Haïti, il n’y a jamais eu de cas d’homosexualité. Homosexualité, on connait pas ; ce n’est pas dans la culture haïtienne. C’est un fait occidental, purement et simplement. Nous ici, nous sommes des chrétiens, le peuple élu, toute la bible parle de nous et on rapporte que l’apôtre Pierre est né à un jet de pierres de Jérémie. Nous sommes donc les enfants légitimes de monsieur bondieu. Regardez l’état de nos richesses. Regardez à quel point sur le plan international nous sommes bien considérés. Tout ça c’est parce qu’on n’a jamais eu de masisi et de madivin chez nous et c’est parce qu’on a su faire de nous une nation forte se colletant à sa grandeur.
Fort de ce constat, et sous l’abri du code civil mais surtout du très saint monsieur bondieu, pour préserver la jeunesse de la dépravation, pour protéger les mœurs et valeurs traditionnelles haïtiennes, nous, illustres sénateurs de la patrie nous interdisons en Haïti le mariage gay ainsi que toute manifestation publique d'appui à l'homosexualité et de prosélytisme en faveur de tels actes.
Le sénat a parlé point barre.
Dangelo Néard
#DesSensQuiTrainenT
Fait au parlement ce 10 aout 2017
Crédit photo: Josué Azor