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Relire ou découvrir Guy Cabort-Masson

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Relire ou découvrir Guy Cabort-Masson

Relire ou découvrir Guy Cabort-Masson

   Jamais militant politique, tendance nationaliste, ne fut plus radical que Guy CABORT-MASSON, ce jeune officier diplômé de la prestigieuse école militaire qu'est Saint-Cyr qui refusa de faire la guerre d'Algérie (1954-1962) et qui, à l'instar de Frantz FANON, Daniel BOUKMAN, Sony RUPAIRE ou encore Roland THESAUROS, rejoignit le FLN (Front de Libération Nationale) algérien. "Haute trahison" qui lui valut comme aux autres une condamnation à mort des tribunaux militaires français et qui l'amena à résider un certain temps en Algérie après l'indépendance (1962). Il décrochera une licence de sociologie à l'Université d'Alger. Revenu en Martinique à la suite d'une amnistie générale en 1969, ce natif de Saint-Joseph (en 1937) refusa tout net de se couler dans le moule de la société assimilationniste et départementaliste auto-satisfaite des années 70-80 du siècle dernier et devint un activiste, un anticolonialiste, voire un révolutionnaire de premier plan.

   Quoique non-encarté dans un parti ou une organisation indépendantiste, Guy CABORT-MASSON joua un rôle considérable entre 1970-85 dans la remise en cause du système colonialo-départemental de l'époque, notamment à travers les diverses revues qu'il fonda : En Avant, Simao (avec le syndicaliste Frantz AGASTA) et La Voix du Peuple. Mais aussi et surtout ses articles dans le magazine hebdomadaire ANTILLA aux côtés d'Alfred FORTUNE, Henri PIED, Tony DELSHAM ou encore Raphaël CONFIANT. Dans ses livres, il fut l'un des premiers à mettre à nu "LES PUISSANCES D'ARGENT A LA MARTINIQUE" (titre de l'un d'eux), devenant du même coup la bête noire des Békés, mais aussi de ce qu'il appelait, avec son rire si caractéristique, "la mulâtraille", ces descendants des fameux "hommes de couleur libre" de la période esclavagiste qui après l'Abolition, se rangèrent de facto du côté des féodaux blancs créoles. Mais, romancier également, CABORT, comme il était appelé familièrement développa une pensée plus complexe que ne le laisse penser ses ouvrages pamphlétaires : ainsi "LA MANGROVE MULATRE", au titre emblématique, évoque la naissance difficultueuse d'un peuple qui devra forcément assumer toutes ses composantes tout en se gardant d'oublier les ignominies du passé.

   Co-fondateur de l'école AMEP, à Fort-de-France, à l'époque où cette dernière s'efforçait de diffuser un enseignement à connotation identitaire ou nationaliste (avec en particulier l'emploi du créole dans certains cours), CABORT s'est aussi intéressé à la cause des femmes pendant la période esclavagiste avec ses conséquences dans la société martiniquaise actuelle. Dans son essai "MARTINIQUE. COMPORTEMENTS ET MENTALITE"" (1968), qui obtint le Prix Frantz Fanon, il décortique de sa plume incisive les travers d'une société qui opprime les femmes tout en dévirilisant les hommes, faisant ainsi du Papa Béké la seule et unique référence sur tous les plans et pas seulement celui de l'économie.

   Frappé par la maladie, CABORT continua pendant quelques années à publier des articles dans ANTILLA, confortant son image de pamphlétaire à la plume trempée dans du vitriol et d'intraitable anticolonialiste (et qui de ce fait entretenait une relation d'amour/rejet avec Aimé CESAIRE comme bon nombre de nationalistes de sa génération). Il décéda en 2002, à l'âge relativement jeune de 65 ans (par comparaison, CESAIRE est mort à 95 ans) et malheureusement, ses livres, hormis dans certaines bibliothèques, sont devenus introuvables. Il n'est pas le seul auteur martiniquais dans ce cas, chose qui rend urgentissime la création d'un Institut de Protection et de de Promotion du Patrimoine Ecrit de la Martinique. Car s'il a désormais (en 2013) une rue à son nom dans sa commune natale de Saint-Joseph, à l'instar de Xavier ORVILLE (Case-Pilote) ou Vincent PLACOLY (Marin et Fort-de-France), il serait grand temps que les politiciens comprennent que ce qui fait un auteur ce sont avant tout ses livres.

   Mais il est vrai qu'électoralement parlant, ce serait moins rentable que le Tour cycliste, le Tour des yoles ou la Gold Cup...


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