PAGES SOMBRES DE L’HISTOIRE D’HAITI
Dimanche, 27 Août, 2017 - 21:54
Tout bon citoyen doit bien comprendre son passé pour mieux aborder l’avenir. Surtout pour nous, Haitiens qui cherchons notre voie après bien des soubresauts et des violences de notre histoire. Haïti Connexion Culture continue ses reportages historiques sur les pages sombres de notre histoire.
Après qu’il se fit autoproclamer président à vie, le 14 juin 1964, l’ex-dictateur François Duvalier entreprit une véritable chasse aux sorcières dans plusieurs régions du pays, notamment le Sud-Est et la Grand'Anse. Des massacres ont été commis par les sbires de Duvalier pour asseoir sa dictature. Les plus célèbres ont été ceux de Mapou, Thiotte, Grand-Gosier, Belle-Anse et les Vêpres de Jérémie à partir du 5 Août 1964. Ce 5 Août 2017 ramène le 53e anniversaire de ces massacres. On s’en souvient ! Pour les commettre, François Duvalier utilisa les membres des Forces Armées d’Haïti (FAD’H) et les Tontons macoutes, une autre force paramilitaire établie à cette fin. Voici donc la chronologie des faits pour l’édification du grand public.
Du mois de juin au septembre 1964, à la suite d’une infiltration, le 24 juin 1964, dans la région du Sud-Est, d’une guérilla anti-Duvaliériste basée en République Dominicaine, les macoutes et l’armée déclenchent une vaste opération de répression et exécutent environ 600 personnes dans les localités de Mapou, Thiotte, Grand-Gosier et Belle-Anse. L’une de ces tueries est passée dans la mémoire populaire comme le « massacre des paysans de Thiotte ». Les macoutes exécutent hommes, femmes, enfants, nouveaux-nés et vieillards soupçonnés d’avoir aidé les rebelles ou de ne pas leur avoir résisté. Plusieurs familles comptant des dizaines de membres sont entièrement exterminées. Un enfant, âgé de neuf ans, réussit à s’échapper, mais arrêté quelques jours plus tard puis conduit au Palais National, il aurait été tué personnellement par François Duvalier.
Trois des 27 personnes tuées lors des Vêpres |
En août 1964, un autre événement est connu sous le nom de «Vêpres de Jérémie». À Jérémie, sud-ouest du pays, des soldats de l’ex- Forces Armées d’Haïti menés par l’officier William Regala, les Lieutenants Abel Jérôme et Sony Borges et par les macoutes Sanette Balmir et St.Ange Bontemps tuent 27 personnes (hommes, femmes et enfants), appartenant toutes à des familles de mulâtres éduqués ; alors que tous les exécuteurs sont des proches des personnes tuées. Plusieurs familles de Jérémie dont Sansaricq, Drouin et Villedrouin sont exterminées. Un enfant de quatre ans, Stéphane Sansaricq, est torturé devant sa mère avant d’être tué. Les macoutes Sony Borges et Gérard Brunache éteignent leurs cigarettes dans les yeux d’enfants en pleurs.
Les 13 membres du groupe Jeune Haïti |
Le 5 août 1964, à la suite de l'entrée sur le territoire haïtien de treize membres (un noir et douze mulâtres) du groupe « Jeune Haïti » dans le sud du pays, François Duvalier, dans le cadre de sa politique noiriste, va ordonner des représailles contre les mulâtres de la ville de Jérémie. Les haines et rancœurs accumulées au cours des décennies contre ces derniers servent de prétexte aux ordres donnés par Williams Regala aux agents militaires et aux Tontons macoutes de tuer. Vingt-sept personnes, issues de deux familles des membres de Jeunes Haïti, sont massacrées dans la ville de Jérémie. Les treize membres du groupe Jeune Haïti sont traqués, tués sur place ou emmenés et exécutés en public dont deux devant le cimetière de Port-au-Prince. Aux mois d'août, septembre et octobre de nombreuses mulâtresses, femmes, vieillards et enfants sont torturées puis tuées. En récompense, Williams Regala est promu général. En 1986, après le départ de Jean-Claude Duvalier, il est devenu membre de la junte au pouvoir du général Henri Namphy.
A l’occasion du 50e anniversaire des Vêpres jérémiennes, au début mois d’Août 1964, un comité de devoir de mémoire a été institué par des proches des victimes. Ce Comité a annoncé un ensemble de manifestations pour commémorer cette date sombre dans l’histoire du peuple de Jérémie. Le lundi 4 août 2014, une veillée de prières était organisée à la Cathédrale Saint-Louis à Jérémie. Une messe du souvenir a été aussi célébrée au même endroit, ce mardi 5 août 2014, suivie d’un pèlerinage vers le mausolée des victimes. Une conférence-débats, suivie de l’inauguration d’une exposition-souvenir sur les 13 membres de « Jeune Haïti » et les Vêpres de Jérémie de 1964, est annoncée pour le mercredi 6 août 2014 à la bibliothèque Carl Edward Peters de Jérémie.
Des films documentaires comme « L’homme sur les quais » de Raoul Peck, « Le règne de l’impunité » d’Arnold Antonin et « Wòch nan solèy » de Patricia Benoit seront projetés à cette bibliothèque, respectivement les 7, 8 et 9 août 2014. Des représailles ont été orchestrées par François Duvalier contre treize membres du groupe « Jeune Haïti », dont des mulâtres, après leur entrée dans la ville de Jérémie, en août 1964.
Lors des massacres, des stylets et des cigarettes ont même été utilisés comme instruments de torture à l’encontre des enfants par des macoutes avides de sang. Capturés par les macoutes, Marcel Numa et Louis Drouin sont torturés et fusillés à Port-au-Prince, en pleine rue, devant le cimetière, en novembre 1964. Duvalier exigea la présence des employés de l’État, du secteur privé, des élèves de toutes les écoles (préscolaire, primaire, secondaire) et des étudiants de différentes facultés sur le lieu de l’exécution pour qu’ils en furent témoins. Quelle horreur ! Des orchestres populaires furent contraints de s’y rendre pour jouer de la musique. Des boissons gratuites furent distribuées en la circonstance. Les cadavres tombés en putréfaction au vu et au su de tous furent détachés des poteaux après seulement plusieurs jours. Ce sont donc là les atrocités commises par des membres des ex-forces Armées d’Haïti sous l’ordre du dictateur François Duvalier.
Auteur Isabelle L Papillon
Illustrations : HCC