Les émois des chefs de la Cour d'appel de Fort-de-France
Un avocat du barreau de Fort-de-France, Me Raphaël CONSTANT, a, dans une tribune récemment publiée dans FRANCE-ANTILLES et sur MONTRAY KREYOL, pointé du doigt certains dysfonctionnements de la justice à la Martinique. Il l'a fait à partir d'exemples très concrets et non de grands discours idéologiques et cela sur un ton mesuré quoique sans concession. Rien qui remettait l'institution judiciaire elle-même en cause, mais bien la manière de traiter les affaires et de juger de certains magistrats. Que l'on en juge :
Or, sortant de leur obligation de réserve (les magistrats, contrairement aux avocats, sont des fonctionnaires), les chefs de la Cour d'Appel de Fort-de-France ont publié un communiqué dans lequel ils ont fait part de leur "consternation" devant une "présentation partielle, partiale et caricaturale de certaines procédures judiciaires", ce qui à leurs yeux est "regrettable". Ajoutant que "cette mise en cause de l'action de la justice est autant outrancière qu'infondée".
Ah , oui ?
Me CONSTANT, dans sa tribune, s'est concentrée sur des cas individuels et nous ne reviendrons pas sur ces derniers. Pour notre part, nous rappellerons à ces "magistrats issus d'un recrutement républicain" que des affaires concernant la Martinique entière, la totalité des Martiniquais, n'ont JAMAIS été traités par la justice française en Martinique. En voici quelques exemples :
. L'Affaire du CREDIT MARTINIQUAIS : des Békés ont littéralement pillé cette banque, dans laquelle une bonne moitié des Martiniquais avaient leur compte, s'octroyant des prêts à des taux ridiculement bas, voire sans intérêt, et que parfois, ils ne remboursaient même pas, cela jusqu'à acculer l'établissement à la faillite. La justice s'es montrée si peu empressée à traîner les responsables à la barre du tribunal qu'ils sont tous décédés les uns après les autres de leur belle mort. Dans leur lit évidemment. La BRED a fini par racheter les dépouilles du CREDIT MARTINIQUAIS.
. L'Empoisonnement au CHLORDECONE : de gros planteurs Békés importent illégalement e Martinique un pesticide interdit dans l'Hexagone, le chlordécone, afin de traiter les bananeraies, cela sans jamais informer les 8.000 ouvriers agricoles nègres de la banane de la dangerosité de ce produit. Ni la population martiniquaise à qui on a servi durant 30 ans (1972-1992) une eau du robinet gorgée de cet organochloré, chose qui a fini par provoquer une véritable explosions de cancers, de malformations congénitales, de maladie de Parkinson et d'Alzheimer, polluant, en outre, pour les 150 ans à venir, les sols, les rivières, les nappes phréatiques et les rivages. Un ouvrage dénonce ce scandale : "Chronique d'un empoisonnement annoncé" de Louis BOUTRIN et Raphaël CONFIANT, paru en 2007. Des associations écologistes portent plainte, toujours en 2007, contre l'Etat et les importateurs békés. L'affaire est aussitôt délocalisée à Paris. Depuis : RIEN. Depuis dix ans donc.
. Le Crash de la WEST-CARIBBEAN AIRWAYS : le 16 août 2005, un avion-poubelle d'une compagnie possédée par des généraux colombiens s'écrase au Venezuela avec 150 Martiniquais à son bord. Cet avion décollait de l'aéroport Aimé Césaire, souvent à 2h ou 4h du matin pour se rendre au Panama, sans doute à une heure où les contrôles sont moins stricts, mais cela n'a jamais alerté l'Aviation Civile française chargée d'inspecter les appareils. Ni l'agence de voyage qui a vendu les billets ni l'Aviation civile française ni la West-Caribbean ni l'Etat colombien n'ont eu à répondre de ce véritable crime qui consiste à autoriser un avion-poubelle à atterrir et décoller en toute impunité depuis la Martinique. Et la plainte en justice de l'association des parents des victimes (l'AVCA) est restée lettre morte.
. Le Scandale du CEREGMIA : un pseudo-groupe de recherches en économie, installé sur les trois pôles de l'ex-Université des Antilles et de la Guyane, siphonne plus de 10 millions d'euros de subventions européennes pendant près de deux décennies. 2 rapports de la Cour des comptes, 1 du Sénat et 1 de l'IGAENER dénoncent ces malversations. Le SRPJ, puis l'OLAF (ou "FBI" européen), s'en mêlent jusqu'à ce que les principaux chefs du CEREGMIA soient administrativement sanctionnés. Mais depuis bientôt 5 ans, la justice pénale, elle, ne bouge pas. Les voyous du CEREGMIA vont-ils s'en tirer sans avoir à rembourser les sommes qu'ils ont détournées ?
Ce ne sont que quatre exemples de dysfonctionnements graves de la justice en Martinique qui ne concernent pas des individus (comme c'est le cas dans la tribune de Me CONSTANT), mais la totalité des Martiniquais. Donc nos chers magistrats et juges "issus du recrutement républicain" seraient bien inspirés de méditer là-dessus et se demander pourquoi la justice de la République ne fonctionne pas sous les cocotiers comme elle fonctionne sur les berges de la Seine ou de la Garonne.
Et ils gagneraient aussi à savoir que la colère gronde...