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« Isautier, une entreprise au passé esclavagiste qui bafoue le Maloya »

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« Isautier, une entreprise au passé esclavagiste qui bafoue le Maloya »

Fédération Régionale d'Addictologie
« Isautier, une entreprise au passé esclavagiste qui bafoue le Maloya »

  L’entreprise Isautier aime se présenter comme l’exemple du dynamisme économique réunionnais. Fière de ses 170 ans d’âge, fêtés en grandes pompes fin 2015, la plus ancienne entreprise réunionnaise « ancrée dans l’histoire » pour reprendre la formule assénée à grands coups de publicités en 4x3. Fière également de ses médailles glanées lors de concours internationaux. 

   Elle commercialise à côté de ses produits médaillés, une gamme nommée « Maloya » réservée au marché local. Cette gamme est constituée par des produits bas de gamme, vendus à très bas prix (voir photo) avec pour objectif de contrer Rhum Charrette sur son terrain de prédilection : l’alcool bon marché, le terrain de la misère et de l’alcoolisme. Ce qui est étonnant, c’est que l’étiquetage des produits « haut de gamme » met clairement en avant la marque, indiquée en grand format, alors que pour la gamme « Maloya », le producteur « Rhums et punchs Isautier » est mentionné de manière très discrète sur le côté de l’étiquette.

   Le Maloya est un symbole fort à la Réunion. Une danse, un chant et une musique créés par les esclaves d’origine malgache et africaine dans les plantations sucrières. Il a été classé au patrimoine immatériel de l’Unesco en 2009. Ce qui n’empêche pas Isautier d’exploiter ce symbole à des fins bassement mercantiles depuis de nombreuses années pour vendre un produit lié à un passé douloureux : le rhum. Ce rhum dont l’histoire est indissociable de l’esclavage, ce rhum qui était distribué par les maîtres aux esclaves les plus « méritants ».

   Les Archives Départementales de La Réunion (ADR) apportent des informations pour le moins dérangeantes au sujet de cette entreprise si fière de son histoire. Dans les documents de recensement de la ville de Saint-Pierre, on apprend que Louis Isautier, né le 8 mai 1809 à Nogent-sur-Seine, arrive dans l’Île en 1833. En 1843 (ADR 6M853), il déclare être l’époux d’Apollonie ORRÉ, née à Saint-Pierre le 4 janvier 1818. Il est le père de trois enfants : Louis Henri (7 ans), Aimé Charles (5 ans) et Stéphanie Claire (20 mois). Dans sa maison résident deux affranchis de sexe masculin. Il déclare 26 esclaves dont : 5 « Noirs » au-dessous de 14 ans, 12 « Noirs » de 14 à 60 ans, 3 « Négresses » au-dessous de 14 ans, 6 « Négresses » de 14 à 60 ans (les termes entre guillemets sont cités tels qu’ils apparaissent dans les documents d’archives de l’époque). Au recensement précédant il possédait 23 esclaves. Au recensement de 1845 (ADR 6M857), la composition de sa famille n’a pas changé et il déclare toujours 2 affranchis de sexe masculin qui résident dans sa maison de Saint-Pierre mais l’effectif de ses esclaves est passé à 44 (pas de tableau récapitulatif pour les sexes et les âges). Pour mémoire, Louis Isautier fonde l’entreprise en 1845 avec son frère Charles (1811-1865). Au recensement de 1848 (ADR 6M863), sa famille s’est agrandie de deux enfants : Louise (3 ans) et Ernest (1 an). Ses esclaves sont au nombre de 69. Cependant, selon les indications qui figurent sur sa déclaration, ils étaient 109 au recensement de 1847. Il y a eu quelques décès, des achats et beaucoup de ventes aux industriels ou négociants CLASSEUR, KERVÉGUEN, DUPUY et DESHAYES. L’entreprise Isautier parle glorieusement de ses 170 ans d’existence et se décrit « ancrée dans l’histoire », mais en oubliant toujours ses esclaves. Elle gomme ce « détail » gênant de son histoire officielle (voir rubrique « Notre histoire » sur http://www.isautier.com).

   Ces produits sont essentiellement consommés par des personnes en difficultés avec l’alcool, souffrant d’addiction  [1] à l’alcool. Isautier casse actuellement les prix pour s’imposer sur le bas de gamme grâce à une fiscalité complaisante. Étonnamment ces produits sont absents du site Internet Isautier, vitrine de la marque. Il y a quelque chose de profondément sordide dans cette manière de faire.

   Est-ce une forme de revanche des anciens maitres sur l’histoire ? Le pouvoir politique et l’argent autorisent-ils tout aux nantis ?

   L’entreprise Isautier doit arrêter de bafouer le Maloya et l’histoire de La Réunion. Elle est demeurée sourde à ces requêtes jusqu’à aujourd’hui. A l’occasion du 20 décembre, la Fédération Régionale d’Addictologie de la Réunion (FRAR) invite les réunionnaises, les réunionnais et les associations œuvrant pour la mémoire de l’esclavage à se mobiliser contre cet affront en exigeant le respect de leur histoire et de leur patrimoine culturel.

   Fédération Régionale d’Addictologie de La Réunion


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