En Allemagne, la Présidente de l’Île Maurice Ameenah Gurib Fakim appelle à la solidarité mondiale pour la protection des territoires et des paysages
Marie-Christine Ponamalé (in "Outremers 360°)
Le 19 décembre a eu lieu à Bonn en Allemagne Le Global Lanscapes Forum (GLFl un très grand forum sur le développement durable et les actions innovantes pour les territoires et les paysages). En tant qu’experte et scientifique dans le domaine de la conservation de la biodiversité et du développement durable, la présidente de l’Île Maurice, Ameenah Gurib-Fakima porté la voix des Etats Insulaires dans son discours.
Le Forum s’est tenu avec plus de 1000 personnalités venant de 103 pays du monde. La présidente a accordé à Outremers360 le jour même de son retour dans l’île une interview, l’occasion de revenir sur les enjeux de cette conférence, d’aborder les grands dossiers qui lui tiennent à cœur et de faire le point à la veille du 50 ème anniversaire de l’Indépendance de l’Île Maurice qui se tiendra le 12 Mars 2018.
Pourquoi avez vous tenu à participer à cette conference à Bonn?
Cette conférence est devenue depuis 5 ans un lieu incontournable pour tous les acteurs qui sont concernés par le Développement durable, les grands acteurs des politiques publiques, l’occasion de dresser des bilans et d’avancer ensemble sur ces problématiques. Et pour nous les îles, c’est important car nous sommes les premiers impactés par le changement climatique. Nous allons accueillir cette conférence en Afrique l’année prochaine. L’Afrique va subir de plein fouet les aléas des changements climatiques qui auront des conséquences sur les migrations,sur les cellules familiales. ll y a un appel sérieux pour que nous fassions les choses différemment et durablement », a déclaré Gurib-Fakim, présidente de l’île Maurice depuis 2015. « Paysage » signifie différentes choses pour différentes personnes, mais le message qui résonne est le suivant: la durabilité devrait souligner tout ce que nous faisons.
Le Global Landscapes Forum vise à atteindre 1 milliard de personnes en construisant stratégiquement une communauté autour de paysages durables, en restaurant les terres dégradées, en garantissant les droits fonciers, les droits des genres, la sécurité financière et en relevant les défis posés par l’insécurité alimentaire et la diminution des moyens de subsistance ruraux.
Vous avez été l’année dernière à la même date au sommet de l’Eau à Budapest où vous avez également porté la voix des Iles, où cela en est il
Je co-préside le panel de haut niveau sur l’eau avec le Président du Mexique. Nous avons présenté le rapport au mois de septembre au Secrétaire Général des Nations Unies.Ce panel a eu la responsabilité de sensibiliser les différents pays sur l’assainissement mais également sur l’accès à l’eau pour les différents territoires. C’est important car l’eau c’est la vie. Nous allons faire le bilan des 2 années d’activités et c’est important de faire avancer cette problématique et nous allons faire des recommandations pour faire avancer la problématique de l’eau.Le monde ne manque pas de ressources. La distribution doit être améliorée.
Porter la voix des Iles et celle de la Femme
En ce qui concerne le prochain Forum en tant que femme présidente, je serai de nouveau sollicitée pour participer. Pour ces Forums,c’est important d’être présente pour faire porter la voix des Iles, qu’elle soit entendue et que la voix de la Femme en Afrique soit entendue aussi. Je ne vais pas dans le cocktails mais je dis que la Femme nourrit l’Afrique et on doit conjuguer avec le talent féminin et c’est d’ailleurs ce message que j’ai porté à l’Organisation Internationale de la Francophonie au mois de décembre. J’ai fait une conférence sur la problématique du développement durable,. Et nous avons fait porter la voix des pays francophones et la voix des Iles dans le Forum des Amériques.
A la veille des 50 ans de l’Indépendance de Maurice, quelles sont les thématiques que vous souhaitez mettre en avant?
Les choses ont beaucoup évolué à Maurice, nous avons fait des avancées depuis 50 ans, depuis l’Indépendance que nous allons célébrer l’année prochaine. Ce qui est important de souligner, une décision courageuse a été de donner l’Éducation à tout le monde. Et l’avancée de ce pays repose sur cette prise de décision qui a été perçue à l’époque comme étant complément « débile » et décriée. C’était en 1976. Mais pour moi investir et je souligne investir ce ne sont pas des dépenses, c’est l’investissement que nous faisons dans le capital humain. D’ailleurs les pays qui ont consolidé cette assise avec une éducation de qualité et forte, ce sont ces pays qui ont montré des avancées énormes. Je prends l’exemple de la Corée, la Suisse qui n’ont rien dans le sous-sol mais qui ont investi dans le capital humain à travers une éducation de qualité. S’agissant des projets pour Maurice, on est à la croisée des chemins. On veut une meilleure croissance pour l’économie. Mais pour assurer une meilleure croissance à un territoire très petit comme Maurice, il faut trouver des créneaux porteurs. Et les créneaux porteurs restent les domaines de la science, la technologie, l’innovation et l’économie de la connaissance. Et pour développer ces branches il faut un capital humain très formé.Et il faut trouver un écosystème approprié et on est arrivé à intéresser la diaspora mauricienne à contribuer à l’économie mauricienne. Nous avons une économie à 3 couleurs, l’économie blanche (les services) , l’économie bleue (l’océan), et l’économie verte dans laquelle il y a les énergies renouvelables. Il y a là un travail énorme à faire et également un travail en matière de coopération avec la Réunion, qui est en pointe dans ce domaine. Les services ont joué un rôle majeur dans l’évolution de l’économie mauricienne. Ces services ont surtout été utiles quand il y a eu des crises dans d’autres secteurs. Mais ces services demandent une diversification.Nous avons nos produits mais nous devons les diversifier et rendre ces produits encore plus attractifs et c’est le travail qui est en cour. Et nous sommes vraiment la porte vers l’Afrique et vers l’Asie, la géographie jouant vraiment en notre faveur. L’exemple avec le câble qui est en place et nous devons améliorer les débits informatiques. Il y a un travail en cours et un chantier en cours. L’économie mauricienne a fait ses preuves sur le temps. Nous avons montré au monde que c’est possible et cela même avec un territoire exigu. Et pour conclure comme je l’ai mentionné à Bonn, je souhaite qu’il y ait cette solidarité globale. Nous avons des défis énormes. Les actions doivent être des actions locales et avec des impacts à l’échelle planétaire. Donc pour ce faire, il faut qu’il y ait une solidarité et là je parle avec des grands pays, avec la France, avec la vision qu’a le président Emmanuel Macron et avec d’autres pays émergents. Je veux que nous ayons une solidarité à l’échelle planétaire pour la protection de nos territoires.