GREEN PARROT : 3 QUESTIONS à CORINNE BOULOGNE YANG-TING, AVOCATE DE MAGUY MARIE-JEANNE
LTA : Pourquoi considérez-vous que le texte prévoyant le dépaysement de cette affaire est contraire à la Constitution ?
Me C. BOULOGNE YANG-TING : L’article 665 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale prévoit le renvoi d’une affaire à une autre juridiction que celle initialement saisie pour cause « de bonne administration de la justice ». Mais la difficulté est que la notion « de bonne administration de la justice » laisse une place à l’arbitraire par son imprécision et ce faisant, elle pourrait être au service du ministère public qui en userait à sa guise, ce qui est contraire à la constitution.
De plus, pour l’heure, il n’existe aucun encadrement temporel du droit de demander le dépaysement. Or, permettre dans ces conditions, le renvoi devant une autre juridiction, sans aucune limitation dans le temps de cette demande alors même qu’une partie pourrait avoir déjà dévoilé sa stratégie de défense revient à conférer un droit exorbitant au seul ministère public, ce qui constitue une atteinte au droit de la défense, une rupture avec le principe d’égalité et au droit à un procès équitable. Enfin, la règle devrait également être assortie d’un encadrement géographique, car nul doute qu’un renvoi qui intervient en région parisienne, par exemple du tribunal correctionnel de Paris au profit du tribunal correctionnel de Versailles ne suscite aucun coût disproportionné pour une personne mise en examen. Mais dès lors que ce renvoi intervient d’une juridiction de Fort de France, comme au cas d’espèce, vers une juridiction parisienne, la personne concernée est inévitablement exposée aux risques de ne pas être en mesure de financer le coût de sa défense (déplacement, séjour..) et de pouvoir faire entendre ses témoins. A cela s’ajoute qu’une telle règle revient insidieusement à conférer au seul ministère public, le droit de choisir sa juridiction, ce qui me semble encore être une violation de la constitution.
LTA : En droit, expliquez-nous pourquoi cette procédure qui a duré tant d’années a été renvoyée au ministère public ?
Me C. BOULOGNE YANG-TING : Le tribunal correctionnel de paris n’a pas valablement été saisi dès lors que l’ordonnance de renvoi viole certaines dispositions du code de procédure pénale et notamment l’article 184 du Code de Procédure Pénale qui impose au juge d’instruction d’indiquer la qualification légale du fait imputé de la personne mise en examen et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existerait ou non contre elle des charges suffisantes. Cette motivation doit ainsi être prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties sans oublier que le ministère public doit également préciser les éléments à décharge concernant toute personne mise en examen. En l’espèce, le tribunal correctionnel de Paris a constaté que le juge d'instruction n’a pas répondu aux observations qui avaient été faites par la défense et qu’il a réalisé un « copié-collé » en reprenant mot pour mot le réquisitoire du Ministère Public. De fait, son ordonnance de renvoi peut être considérée de facto comme étant rédigée par le Ministère Public, ce qui est inconcevable, ce dernier n’étant qu’une partie au procès. Notez en effet que le magistrat instructeur ne peut se faire ainsi sienne des arguments du ministère public et il doit procéder à des vérifications. Or, en l’espèce, aucune investigation n’a été effectuée postérieurement à la mise en examen, l’instruction étant clôturée sur le champ, sans audition ni confrontation.
LTA : Que pensez-vous de l’issue probable de cette affaire ?
Me C. BOULOGNE YANG-TING : Dès lors que certains mélangent le judicaire à la politique, il en résulte nécessairement des agissements masqués et des zones d’ombres qu’il convient de dénoncer. Madame Maguy MARIE JEANNE n’a commis aucun des faits reprochés. C’est une femme courageuse et méritante. Sa droiture et son intégrité sont exemplaires. Et sous couvert d’un règlement de compte politique, elle ne saurait être une proie. Par ailleurs, ses accusateurs ont manifestement perdu tout bon sens et humanité. Ériger l’élan de solidarité des élus envers des plus démunis en du mépris et en une traque judicaire revient à perdre toute humanité. Or, traverser toute une vie sans humanité est incontestablement une déchéance de l’être.