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Anses d'Arlets : conférence sur le thème : "Les nouveaux libres face au défi de l'éducation : entre enracinement créolophone et désir d'émancipation francophone"

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Anses d'Arlets : conférence sur le thème : "Les nouveaux libres face au défi de l'éducation : entre enracinement créolophone et désir d'émancipation francophone"

Anses d'Arlets : conférence sur le thème : "Les nouveaux libres face au défi de l'éducation : entre enracinement créolophone et désir d'émancipation francophone"

   Riche programme de manifestations à l'occasion de l'Abolition de l'esclavage que celui concocté par les responsables du service "Culture" de la municipalité des Anses d'Arlets : Michel DELBOIS, Chloé LETUR et Patrick KAPELA LONSA. C''est ainsi que vendredi 18 mai, à 19h, l'écrivain Raphaël CONFIANT fut convié à plancher sur le thème des "Nouveaux libres" face à l'éducation et au défi que cela a représenté pour eux au lendemain du 22 mai 1848.

   Après les mots de bienvenue au conférencier et au public, réunis à la Paillote du bourg, mots de P. KAPELA LONSA et d'Elisa PAULIN, conseillère municipale en charge de la culture, R. CONFIANT s'employa à expliquer le dilemme dans lequel se trouvèrent les anciens esclaves, désignés comme "nouveaux libres" par les historiens par opposition aux "Hommes de couleur libres" c'est-à-dire ceux qui (Mulâtres principalement, mais aussi Nègres) avaient acquis leur liberté pendant la période esclavagiste : ou bien ils demeuraient comme salariés c'est-à-dire ouvriers agricoles sur les mêmes "habitations" où il avaient été mis dans les fers ou bien ils cherchaient à se forger une nouvelle vie ailleurs, soit dans les "hauts", vivotant de jardins créoles soit dans les villes où ils exercèrent des métiers artisanaux (cordonnier, tonnelier, forgeron etc.).

   En fait, le vrai défi de l'éducation ne se posa, rappela R. CONFIANT, qu'à la toute première génération née après l'Abolition car même si dès 1837, une loi prévoyait que les enfants esclaves âgés de 8 à 15 ans devaient recevoir une éducation le matin, elle ne fut pas réellement appliquée à cause de l'hostilité des Békés. Pour les nouveaux libres donc, leurs enfants devaient échapper à tout prix au travail de la terre et la seule échappatoire fut l'école, celle qu'instaurèrent les Frères de Ploërmel après 1848. "L'école fut la terre des gens sans terre", précisa CONFIANT. Or, cette école était exclusivement en français et face à des élèves créolophones unilingues, la maîtrise de cette langue fut un terrible obstacle à surmonter durant presque tout le siècle qui suivit l'Abolition. Très vite, on alla à l'école pour apprendre d'abord et avant tout à parler français et non pour apprendre l'histoire, la géographie ou l'arithmétique. La langue française fut dès lors placée sur un piédestal. Elle fut idolâtrée et dans le même temps, le créole dénigré car sentant trop le travail de la canne à sucre.

   Cela créa une insécurité linguistique, puis identitaire, précisa R. CONFIANT, dont nous ne sommes toujours pas sortis. Car tout en avalisant le discours de l'ancien maître béké et du Béké-France sur le caractère de "patois" du créole et non de langue à part entière, il n'en demeurait pas moins que la population y demeurait viscéralement attachée à travers les chants, les contes, les proverbes, les "titim" etc., ce dont témoigne des expression comme : "zépon natirel nou" ou "ti kréyol-nou an". Plusieurs fois reniée par ses différents géniteurs au cours de nos trois siècles et demi d'histoire, le créole a miraculeusement réussi à survivre tant que le gros de la population l'avait comme langue première, c'est-à-dire jusqu'aux années 50-60 du XXe siècle. Mais à partir des années 60 et de la généralisation de la scolarité, des médias (radio, télévision etc.), le français a commencé à damer le pion au créole comme idiome maternel, prenant même la première place dans la classe bourgeoise urbaine et devenant "langue co-maternelle", selon l'expression cde Jean BERNABE dans la majorité de la population. Aujourd'hui, selon R. CONFIANT, le créole est dans un état critique en dépit des indéniables progrès que sa cause a réalisés : introduction du créole à l'école, création du CAPES de créole, développement d'une littérature en créole etc. L'auteur a terminé en déplorant qu'en Martinique, il n'y a jamais eu de politique linguistique forte comme à Tahiti, en Corse, en Bretagne, à La Réunion et même en Guadeloupe.

   Un débat très animé s'en est suivi avec le public, ce dernier s'interrogeant sur les moyens concrets qu'il faudrait déployer pour essayer d'inverser la situation. Eugène LARCHER, maire des Anses d'Arlets, prit la parole pour indiquer que si effectivement, une politique linguistique était absolument nécessaire, il serait également bon que les Martiniquais modifient leur rapport avec le créole car nombre d'entre eux continuent, par exemple, à être réticents à son usage au sein de l'institution scolaire. Un autre intervenant questionna les notions d'identité et d'insécurité linguistique, se demandant si la cause du créole n'était pas instrumentalisée par certaines idéologies politiques. Odile FRANCOIS-HAUGRIN, vice-présidente du Pôle Martinique de l'Université des Antilles, s'interrogea sur la différence d'utilisation du créole entre Martiniquais et Guadeloupéens. Elisa PAULIN, l'élue en charge de la culture, posa la question de la créolisation face au phénomène de mondialisation qui semble de plus en plus irréversible. Toutes questions qui suscitèrent un vif intérêt dans le public.

   La soirée s'acheva avec une prestation des "Femmes et Hommes d'Argile", puis un spectacle musical très enlevé d'Olivier LETUR et de ses "tanbouyé"...

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