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À Haïti, un esclavage d’enfants qui ne dit pas son nom

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À Haïti, un esclavage d’enfants qui ne dit pas son nom

Par Sébastien Roux
À Haïti, un esclavage d’enfants qui ne dit pas son nom

Dans l’espoir de leur permettre d’échapper à l’extrême pauvreté, des familles haïtiennes démunies donnent leurs enfants à des familles bourgeoises, courant le risque qu’ils deviennent des restaveks, terme controversé désignant un enfant utilisé pour effectuer des tâches domestiques, voire sexuelles. Une pratique accentuée par le séisme de 2010, en dépit d’une nouvelle stratégie nationale pour mieux les protéger.

Pour changer Haïti, il faut commencer par changer l’éducation », annonce en lettres capitales un graffiti à l’entrée de Port-au-Prince. Plus de huit ans après le séisme du 12 janvier 2010, la capitale porte encore les séquelles de la catastrophe naturelle ayant fait plus de 220 000 morts et 300 000 blessés. Des routes mal goudronnées, des trottoirs inexistants et des ruines de gravats à perte de vue.

Dans ce pays des Caraïbes où plus du trois quarts de la population vivaient avec moins de 2 dollars par jour en 2005, le tremblement de terre a aggravé la situation et bouleversé la vie de millions d’habitants, enfants en première ligne. Selon l’UNICEF, environ 1,26 million d’entre eux, représentant plus de 10% de la population du pays, ont directement été affectés par le séisme. 100 000 se sont retrouvés du jour au lendemain orphelins d’au moins un de leurs parents. Au total, il est estimé que plus de 500 000 enfants ne vivent plus avec leur famille biologique. Plus vulnérables que les adultes, ces orphelins arpentant les rues sont devenus une proie de premier choix pour les trafiquants d’enfants…

Le combat pour la protection de l’enfant n’a rien d’une lutte récente en Haïti. Elle constitue depuis longtemps une préoccupation pour de nombreuses ONG présentes à Port-au-Prince. Selon Gertrude Séjour, directrice générale de la fondation Maurice Sixto, il existe dans ce pays « une pratique culturelle qui explique en partie la maltraitance infantile. Le discours social les considère comme de petits animaux, d’où le proverbe, « timoun se ti bèt » (NDLR, « l’enfant est un petit animal »), qui va dans ce sens. À travers nos actions, on essaie de faire évoluer les mentalités sur la situation des enfants en domesticité, plus connu sous le terme de restaveks. On a l’impression d’être écouté, même si à l’heure actuelle il y a encore beaucoup de travail à faire avec des lois qui sont toujours dans les tiroirs », conclut-elle un brin résignée, se demandant peu après l’assassinat d’une personne de la fondation si son combat sert vraiment à quelque chose.

« Pour bien comprendre le phénomène des restaveks, il faut se pencher sur sa dimension sociologique », explique Patrick Saint-Pré, journaliste au quotidien haïtien Le Nouvelliste. « Tout est compliqué ici. Parler de restaveks est tabou, c’est un sujet qui fâche. Les familles bourgeoises ont souvent dans leur maison un enfant qui n’est pas à eux et qui s’occupe des tâches ménagères. En général, il va à l’école publique quand les autres enfants sont dans des établissements privés, créant une éducation à double vitesse. » Gertrude Séjour va encore plus loin dans cette analyse : « Un restavek est un enfant qui ne vit plus avec sa famille biologique pour diverses raisons et qui va être exploité. Bien souvent, il ne va pas à l’école et effectue des tâches domestiques au-dessus de ses forces. Dans la majorité des cas, ce sont des filles qui ont entre 5 et 14 ans et qui subissent toutes sortes de violences : violences physiques, violences psychologiques, violences verbales, jusqu’aux violences sexuelles ».

 

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Post-scriptum: 
(illustration Julia Spiers pour 8e étage)

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