L'or de la Guyane attise l'intérêt des plus grands producteurs mondiaux
Les géants Barrick Gold et Newmont investissent des millions pour sonder la région française. Ils scrutent le débat public actuel sur le projet le plus avancé, loin de faire l'unanimité.
Sous le sol de la Guyane, l'or a deux milliards d'années. Ces gisements sont le prolongement de ceux de l'Ouest africain, lorsque les deux continents n'étaient pas séparés, raconte la Société chimique de France. Mais, quand l'extraction du métal se fait à l'échelle industrielle depuis des décennies en Afrique, en Guyane les chercheurs n'ont fait qu'effleurer la surface, avec une production alluvionnaire. Les géologues l'affirment, les réserves d'or de la plus grande région de France sont immenses, et quasi intactes.
Et, à 1.300 dollars l'once échangée sur les marchés à Londres ou à New York, les plus grands acteurs du secteur reviennent tenter leur chance dans le DOM sud-américain, quelques dizaines d'années après les tentatives de BHP Billiton et Rio Tinto, premières multinationales à sonder ses profondeurs. Newmont Mining, unique producteur d'or coté sur l'indice américain S & P 500, a déjà mis plusieurs millions de dollars sur la table.
Pour avoir accès aux terres guyanaises, le groupe de Denver, numéro deux mondial de l'or, s'est associé depuis 2014 au petit producteur français Auplata, détenteur de plusieurs titres miniers. Newmont Mining détient aujourd'hui 51 % de leur coentreprise et s'est engagé à dépenser 12 millions de dollars pour explorer les sites. En décembre dernier, le géant américain a renforcé sa présence en Guyane. Il a signé un accord avec une autre entreprise locale, la Compagnie minière Espérance. Objectif ? « Pouvoir acquérir jusqu'à 70 % de la propriété à travers des investissements sur plusieurs années », indique Newmont, qui évoque au passage la possibilité d'y trouver plusieurs millions d'onces.
Barrick Gold, le plus gros fournisseur d'or de la planète, est également entré en scène en Guyane en décembre 2017. Une entrée discrète du producteur canadien, faite au travers d'une petite société d'exploration québécoise, Reunion Gold, qui possède des intérêts dans trois projets miniers en Guyane (là encore, via des accords qu'elle a passés avec des exploitants locaux). Barrick Gold a déboursé plus de 7 millions de dollars pour prendre 15 % de la junior, et s'est dit prêt à en acquérir davantage dans cette région « prometteuse ».
Projet controversé
Ces différents projets d'exploration sont à un stade initial... Bien moins avancés que le plus grand d'entre eux au coeur de cette parcelle d'Amazonie tricolore, Montagne d'Or. A 7.000 kilomètres de Paris, c'est le projet minier d'or le plus important à ce jour en France, porté par le producteur d'or russe Nordgold et la société d'exploration canadienne Columbus Gold.
Le projet qui annonce une mine « exemplaire », 750 emplois directs et 3.000 indirects, est loin de faire l'unanimité. La consultation publique ouverte jusqu'au 7 juillet en Guyane révèle les inquiétudes liées notamment à l'utilisation du cyanure pour extraire l'or et, plus généralement, aux dégâts environnementaux sur un territoire recouvert en quasi-totalité par la forêt amazonienne. Les opposants s'organisent, comme le collectif Or de Question qui fustige une « méga-industrie minière ».
« Notre société a répondu à l'ensemble des questions, assure Pierre Paris, le président de la Compagnie Montagne d'Or. Nous voulons engager des discussions directes, mais certains refusent. » Il ajoute que, pour l'heure, « aucune des questions soulevées lors de la consultation n'entraînerait une révision complète de la philosophie du projet. » Les ONG WWF et Greenpeace, soutenues par l'acteur Lambert Wilson qui a récemment effectué un voyage en Guyane, sont montées au créneau. WWF craint un « désastre écologique » et critique un projet « loin de représenter la meilleure option d'investissement de l'argent public ».
Le sujet est donc éminemment politique. Lorsqu'il était ministre de l'Economie, Emmanuel Macron a clairement soutenu le projet . A l'inverse, l'actuel ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a fait savoir qu'il n'y était pas favorable. Et, le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu a indiqué lundi sur Europe 1 qu'il se rendrait en Guyane en juillet « pour regarder les conclusions » de la consultation publique. Le député européen écologiste Yannick Jadot, lui, en revient, très remonté. « C'est un potentiel de pollution majeur, surtout si on multiplie les projets. On touche à l'Amazonie, ce n'est pas local ! On ne ferait pas un tel projet en métropole. Mon objectif est que cela devienne un débat national », lance-t-il.