Le chemin de La Ferme ; le quartier La Ferme. Présentation
Michel RICHEPI
Le chemin de La Ferme commence à la sortie sud du bourg de Trois Ilets. Il va rencontrer la départementale n°38 au niveau de l’ancienne habitation La Concorde, puis il se poursuit jusqu’à sa jonction avec la route de la Villéa, après avoir traversé le lieu-dit Bwa Patat
Ce chemin est une voie communale ; il traverse d’anciennes habitations et des lieux dits tels : La Desgrottes ; An Génipa ; Anwon Kazimi-a ; AnPwadou ; AnChapoti ; Anwon ma misié Rojé-a ; An tounitjet-la ; Dig-la ; La Kwa ; La vièj manman Doudou-a ; La Ressource ; La Bosphore ; La vièj manzè Licet-la ; Pont Garnier-Délize ; La Kalida ; La Bibiane ; An Fonds Magon ; An Guduff ; Détour Adèle ; La Concorde ; Fonds Caïmite ; Bwa Patat.
Avec le temps, tout le long de ce chemin, sont venues s’installer des personnes d’origine diverse, en particulier des travailleurs des habitations des alentours. C’est ainsi que, petit à petit, s’est constitué le quartier La Ferme, auquel il serait bon de rattacher La Villéa qui est située entre La Concorde et La Beaufond. Les propriétés La Concorde et An Guduff proviennent du démembrement de la très grande habitation de La Pagerie. Le Negkongo LOUBAYE KEMBE dénommé KIMBI, sa petite fille, ses arrière et arrière-arrière-petits-enfants ont vécu à La Concorde. Il n’y a pas si longtemps, on pouvait encore admirer un four à pain, à côté d’une grande mare et de la maison principale de cette propriété qui est un très important lieu de mémoire.
L’activité dominante du quartier La Ferme a été pendant longtemps la culture de la canne à sucre, du tabac, du cacao, du café, de plantes vivrières, de la vanille. On y faisait aussi de l’élevage, du charbon de bois, de la farine de manioc, des traverses pour les chemins de fer…etc. A La Ressource qui occupe une place presque centrale dans le quartier, il y avait un moulin à bêtes pour broyer la canne, une fabrique de sirop de batterie…, et une épicerie entre autres.
L’origine du nom de notre quartier serait liée à son activité dominante, et à une foire agricole qui y était organisée régulièrement, très précisément à la Ressource, par Eugène HUYGHES BEAUFOND, à partir du milieu du 19e siècle. La foire était fondée sur des concours entre les exposants, et sur la vente de produits agricoles divers,… etc. Autrefois on devait certainement dire : Je vais à la ferme de La Ressource ou de HUYGHES BEAUFOND aux Trois Ilets, tout comme aujourd’hui on dit, je vais à la ferme de Perrine au Lamentin.
La Ferme est un lieu de pèlerinages très fréquenté, grâce à son chemin de croix dont l’oratoire a une croix sans le crucifié, mais avec les attributs du supplice du Christ ( marteau, pince, clou, épée, couronne d’épine ). Une telle croix symbolise le courant Janséniste dans la religion catholique ( 17 – 18e siècle). Gravée sur une pierre on pouvait lire cette inscription près de l’oratoire : « Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » C’est une habitante du quartier qui l’a construit vers1870, en guise de remerciements pour vœux exaucés. C’est probablement le père BOURGEAC qui a procédé à sa première bénédiction. La parcelle où est installé ce chemin de croix a été offerte à l’évêché par la famille ADRIEN . …. Le long de la route de La Ferme, on trouve aussi la chapelle dédiée à la Vierge de La KALIDA entourée de ce qui reste de :
- La case qui abrita La Vierge à son arrivée à La Ferme.
- L’imposante citerne en béton armé.
- La maison qui servait de logement et d’épicerie à Mme Ruffina.
- La cuisine où l’on fabriquait du pain et des patisseries entre autres.
- La case qu’occupa Mr J. Dolor durant plusieurs années.
- La petite grotte abritant une statue de la vierge Marie.
Cette chapelle est dédiée à la Vierge de la Caridad del Cobre. Elle est connue et fréquentée par de nombreux martiniquais.
L’histoire de la Virgen de la Caridad del Cobre ( La Vierge la Charité du Cuivre ) commence en 1612. En effet cette année-là, trois jeunes cubains, qui s’étaient perdus en mer pendant une tempête, aperçurent à la surface de l’eau une planchette avec l’effigie d’une femme, et cette inscription : « Je suis la Vierge de la Charité. » L’image fut portée à El Cobre où un premier sanctuaire fut construit en 1684. La fête de notre Vierge fut célébrée pour la première fois, le 8 septembre 1898, à la fin de la guerre pour l’indépendance de Cuba. Le 10 mai 1916, le Pape Benoît XV proclama officiellement : « Notre Dame de la Charité patronne de Cuba. » La « Kalida » fut implantée et animée, dès les années1930, par la propriétaire des lieux, une « pacotilleuse » ayant beaucoup voyagé dans la Caraïbe (Mme R. Ruffina), par une habitante du Saint Esprit (Mme T. Rosa ), par leur aide-ménagère (Mme G. Laura), par (Mr. C. Marcel ), par ( Mr P. P. Brina ) durant les années 70-80, et enfin par Mr. P. Hélier .
Dans notre quartier, il y a aussi un village an tan lontan très visité, et dénommé : La Savane des Esclaves…. En plus, certains vestiges du passé ( haches, percuteurs, polissoirs, divers autres objets en conque de lambi ou en pierre polie ; quelques pieds de génipa …) semblent indiquer que La Ferme et ses environs étaient une importante zone d’implantation d’indiens caraïbes, au moment où les européens sont arrivés en Martinique aux 16e et 17e siècles. On peut aussi affirmer que le territoire de Trois Ilets fut largement occupé par des Amérindiens. On a trouvé leurs traces à : Fonds Caïmite, La Concorde, Pont Garnier-Délize, Poinsettia-Citron, La Pointe Bois d’Inde, La forêt de Vatable, le Gros Ilet, le Golf départemental-Parc des Floralies…etc…Durant les années 1950-1960, les premières éditions de la fête du quartier furent organisées au niveau de la Ressource par le docteur Robert ROSE ROSETTE, maire de Trois Ilets. Pendant la même période les amateurs de combats de coqs se rencontraient dans le pitt de monsieur A. Georges, tout près de La Kalida.
Plus d’une fois, on a parlé en bien de ce beau petit quartier. Et ses habitants ont eu l’occasion de dire avec fierté : - « Nous avons organisé… Nous avons gagné, nous avons réussi…Ensemble nous sommes forts… Nous sommes solidaires... Nous devons persévérer… Dieu est avec nous… ». En effet, des équipes de football et de course à pied ont été formées pour représenter La Ferme à diverses compétitions. Les jeunes ont eu d’heureuses initiatives ; ils ont créé et animé plus d’un espace collectif. C’est ensemble, toutes générations confondues, que la fête du quartier a été organisée à diverses reprises, avec le soutien du conseil municipal. Il en fut de même des pèlerinages, des rassemblements pour la prière autour des grottes et des vierges, des randonnées, des sorties mises sur pied pour découvrir la Martinique, ou pour passer une journée chez un parent ou un ami. On ne doit pas oublier, surtout pas, cette grande solidarité qui existait autour de : la garde des enfants en bas âge, la personne âgée vivant seule, la fabrication du charbon de bois, la réalisation de jardins vivriers, la création ou le nettoyage de mares à la fin du carême, la construction de cases, l’abattage du cochon pour notre mythique nuit de noël, le dépannage en eau de boisson, le don ou l’échange d’aliments, le soutien scolaire, la rédaction de courriers…etc.
La Ferme demain ?!
Comment évoluera notre quartier ? Pour répondre à cette question, il faudrait visiter et analyser notre présent, en ayant à l’esprit que ce présent se vit depuis plus d’une quarantaine d’années environ.
Michel RICHEPI
année 2013