GEOGRAPHIES DE L’ESCLAVAGE SUR LE PLATEAU DES GUYANES : MOBILITES, HERITAGES, DISCOURS
Université de Guyane – MINEA (EA-7485)
Date 7/8 juin 2018
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Appel à communications
Des débuts du XVIe siècle à la fin du XIXe siècle, la création et les pratiques de sociétés ayant pour élément constitutif la mise en esclavage d’hommes et de femmes transplantés du continent africain aux Amériques y ont été les facteurs majeurs de la modification (voire de la destruction), et de la construction de nouveaux espaces de vie.
La journée d’études organisée par le laboratoire MINEA de l’Université de Guyane propose un examen des géographies de l’esclavage sur le Plateau des Guyanes, en appelant à une réflexion pluridisciplinaire sur les notions de mobilités, d’héritages et de discours réinscrites dans leur dimension spatiale, de la période coloniale à nos jours. L’analyse géographique, par l’étude de la différenciation de l’espace à toutes les échelles, constitue un angle d’approche particulièrement stimulant pour aborder les questions des esclavages et des traites négrières. Intégré dès le XVIIe siècle dans cet espace marqué par la Traite et l’esclavage, le Plateau des Guyanes doit être replacé dans le contexte du système esclavagiste du monde atlantique.
Comme d’autres territoires américains, les Guyanes ont été durablement façonnées non seulement par l’expérience de la Traite et des esclavages mais aussi par les différentes formes de résistances (marronage, révoltes). En dépit des divisions politiques entre les empires ibériques, britannique, français et hollandais, les systèmes esclavagistes des territoires du bouclier des Guyanes se trouvaient confrontés à des contraintes similaires, leur conférant une certaine unité. Cet espace s’est révélé différent des territoires insulaires, comme de ceux d’Amérique centrale et du Nord. Le climat, les forêts et leurs étendues, offrant des possibilités d’évasion aux esclaves, les difficultés d’exploitation de cette sylve, la présence de populations amérindiennes, n’ont cessé de hanter les colonisateurs et ont pesé sur leurs choix d’organisation territoriale. Ces choix, par ailleurs, reflétaient aussi leurs cultures d’origine.
L’analyse croisée des sociétés esclavagistes du Plateau des Guyane se trouve donc au centre de notre propos, tout comme l’accent mis sur les échanges, les circulations et les phénomènes d’ethnogenèse favorisés par l’espace amazonien. L’évolution des pratiques agraires et de la gestion des terroirs marquent ainsi fortement les territoires guyanais. À l’échelle de l’espace atlantique, selon les puissances coloniales, les économies esclavagistes des Guyanes revêtirent une importance très différente. L’expérience des pratiques esclavagistes a aussi donné naissance à des courants abolitionnistes, dont la géographie et ses liens avec les Guyanes resteraient à étudier.
La journée d’études s’intéressera aussi à la notion de géographicité, telle qu’elle a été entendue par Eric Dardel (1952), qui explore les dimensions des savoirs géographiques et leur compréhension de la présence originaire, immédiate, du sujet à la Terre et à l’espace. Cette géographicité vue « comme mode d’existence de l’homme sur Terre » et comme une conscience singulière de l’espace entre pleinement dans les processus de constructions identitaires individuels et collectifs, qui s’expriment notamment à travers l’élaboration des savoirs, mythes et traditions. Ainsi, les paysages sont également porteurs des traces laissées par l’esclavage.
Au niveau littéraire, les romans élaborent un discours tout empli du paysage, restituant à travers lui les bribes de l’histoire perdue, façonnant au fur et à mesure de l’écriture une histoire extrapolée, en cours de réappropriation. A la différence des sociétés marronnes du Plateau des Guyanes qui se sont construites en s’emparant de l’histoire de l’esclavage et du marronnage, celles qui se sont développées dans l’espace des habitations, en particulier dans l’espace francophone, ont dû notamment au travers de la littérature rechercher les traces d’une histoire oubliée. La mémoire surgit dans le récit, mais elle est fragmentée. La Traite, qui est proprement un « parler indicible », ne donne lieu à aucun récit : c’est donc sur ce fond d’absence, de mythe et d’épopées que s’inscrit la littérature francophone de l’esclavage. Elle tente de retranscrire la dimension lacunaire dans le cadre d’une mise en écriture de la pensée du vide, de l’absence, de l’indicible et de l’ineffable. Par le biais du récit se dessine une tentative de refonder un ordre symbolique à travers le langage.
Il s’agit donc d’étudier la façon dont les espaces et les toponymes cristallisent la mémoire en littérature et en oraliture ou, au contraire, comment l’amnésie s’installe. Souvent objets de controverses, ce sont également des espaces qui ont fait l’objet d’une réappropriation au point de devenir parfois des supports de construction identitaire. Ainsi, la géographie du tourisme mémoriel ou la place de l’esclavage dans les programmes scolaires, de même que les pratiques de son enseignement selon les lieux, mériteraient une réflexion approfondie. Mémoire brûlante, l’esclavage occupe le débat public et juridique en permanence (question des réparations, organisation ou non organisation de commissions vérité…). Si le phénomène a marqué au fer rouge les mémoires guyanaises, il reste aujourd’hui une réalité prégnante et multiforme qui ressurgit sous les diverses formes des esclavages modernes (exploitation des populations immigrées, enfants restavek…).
Les propositions de communication (300 mots) accompagnées d’une note biographique (150 mots) devront être envoyées d’ici le 10 mai 2018 sous format PDF. Merci d’intituler votre document « Votre nom + Géographies esclavage ».
Les communications pourront être soumises en français, anglais, espagnol et portugais.
Les documents seront à envoyer à cette adresse mail :geoesclavageguyanes@gmail.com
Comité d’organisation : Linda Amiri (Université de Guyane), Monique Blérald (Université de Guyane), Christian Cécile (Université de Guyane), Sébastien Chapellon (Université de Guyane), Soizic Croguennec (Université de Guyane), Audrey Debibakas (Université de Guyane), Maude Elfort (Université de Guyane), Boris Lama (Université de Guyane), Biringanine Ndagano (Université de Guyane), Myrtô Ribal-Rilos (Université de Guyane), Nicola Todorov (Université de Guyane),Thelma Désiré (Université de Guyane)
Comité scientifique : Régine Alexandre (Docteure en géographie), Linda Amiri (MINEA-Université de Guyane), Monique Blérald (MINEA-Université de Guyane), Nathalie Cazelles (Docteure en archéologie, AIMARA), Sébastien Chapellon (MINEA-Université de Guyane), Marie-Christine Chivallon (CNRS-Université de Bordeaux), Soizic Croguennec (MINEA-Université de Guyane), Audrey Debibakas (MINEA-Université de Guyane), Sarah Ebion (APHG), Maude Elfort (MINEA-Université de Guyane), Bernard Gainot (Université de Paris 1), Emmanuel Guematcha (MINEA-Université de Guyane), Isabelle Hidair (MINEA-Université de Guyane), Boris Lama (MINEA-Université de Guyane), Rosuel Lima-Pereira (MINEA-Université de Guyane), Serge Mam Lam Fouck (MINEA-Université de Guyane), Jean Moomou (AIHP-GEODE-Université des Antilles), Biringanine Ndagano (MINEA-Université de Guyane), Thierry Nicolas (MINEA-Université de Guyane), Marianne Palisse (LEEISA-Université de Guyane), Frédéric Régent (IHMC-Université de Paris 1), Myrtô Ribal-Rilos (MINEA-Université de Guyane), Dominique Rogers (AIHP-GEODE-Université des Antilles), Eric Roulet (CRHAEL-Université du Littorale Côte d’Opale), Nicola Todorov (CNFG/CRHXIX-Université de Guyane), Jacqueline Zonzon (APHG)